Introduction Livres Nouvelles Plume libre
Chaque mois, vous pourrez découvrir dans ma plume libre quelque nouveauté.
Selon mon inspiration j’y déposerai : paroles d’eau, mots de feu. esquisse ou envol de fusain.,
Par ailleurs je vous invite à voir ou à revoir les photos et pensées quotidiennes que je poste sur le web via le lien ci-après :
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MAI 2014
Des Vivants ailés
Yvan Amar se tenait dans le silence près d'un arbre empli de fleurs blanches. Les pétales se balançaient doucement sous la brise tiède. L'Inde s'éveillait et les abords du Gange étaient déjà grouillants d'une humanité en marche. Dans la lumière de ce matin de Pâques Yvan réalisa soudain que ces merveilleuses fleurs étaient en réalité une multitude de papillons blancs les ailes battantes sur leur arbre de prédilection....
Lorsque j'ai rencontré Yvan il avait déjà quitté son corps depuis quelques années. Alors je lui ai rendu une petite visite là où repose son vêtement de chevalier : dans le cimetière de Gordes. Un espace humble et simple dans lequel la nature est libre d'aller et venir. Sur la pierre tombale une inscription que j'ai lue à plusieurs reprises pour la méditer et la graver dans mon cœur : « Dans la lila des mondes infinis je tisse inlassablement des liens entre les fils de moi-même pour la seule joie de me reconnaître dans le regard de ceux qui s'aiment ».
Un peu plus tard je reçus une invitation à participer à la commémoration de ces 10 années qui avaient suivi son décès, sa mutation dans une autre forme, un autre temps, un autre lieu.
Avec des amis je quittai la Belgique pour 4 jours, un périple un peu fou mais nous étions ravis de vivre ces retrouvailles avec les amis d'Yvan dans ce mas de lumière à Gordes là où il avait vécu.
Deux jours de route, deux jours de fête, d'amour et de joie sur une terre que cet homme d'immense envergure avait foulé. Le premier jour voici que nous attendions l'heure de rendez-vous à quelques centaines de mètres du mas en partageant un bout de pain et quelques fruits. Près de nous des arbustes étaient plutôt fiers de tendre leurs branches graciles déjà chargées de jolies fleurs. Maddy une charmante vieille dame pétillante et avide d'expansion nous raconta l'histoire des papillons d'Yvan. Et tandis qu'elle égrenait cette aventure nous eûmes droit à une envolée de papillons blancs autour de nous, dans les feuilles et sur les troncs. Un signe d'Yvan, de la présence éternelle des saints, des sages, des anges et de ceux qui ont semé l'amour. Nous l'avons accueilli ainsi. Par la suite dans les heures qui suivirent je me souviens avoir senti jusque dans ma chair combien l'air lui-même dans sa danse fluide et légère portait la trace d'un homme debout, pleinement incarné, relié au divin. C'est d'ailleurs là que j'ai vécu l'expérience de la sainteté dans ce qu'elle peut transmettre, porter, divulguer, rayonner. Partout en ce lieu je la sentais vibrer. Elle était palpable dans la lumière, sur l'herbe comme sur les visages, dans les regards comme dans les témoignages. Souvent dans les années qui ont suivi je me suis souvenue de ces impressions, cette nourriture d'impressions inscrite désormais dans mes cellules car le toucher du Maître a ce pouvoir de nous transformer. D'une façon toute similaire l'étreinte d'Arnaud Desjardins a laissé son empreinte en moi. Ils étaient amis ces deux-là, cela ne m'étonne pas !
Le second jour alors que la joie battait son plein çi et là au gré des rencontres, des échanges, de la guitare et des chants, du film retraçant des épisodes de la vie d'Yvan quelqu'un a poussé un cri de surprise et spontanément tout le monde a levé les yeux vers le ciel. Juste au-dessus du mas de lumière : une échancrure, une ouverture des cieux sur un phénomène surprenant dans tout ce bleu. Cela ressemblait à une aurore boréale qui se serait développée juste à cet endroit comme si le ciel lui-même rendait hommage au saint ou qu'il s'embrasait de joie en déclinant des pastels jaunes, oranges et verts. Au centre du miracle la clarté d'un premier matin. C'était d'une beauté ! Une conjugaison d'énergies en marche vers la Conscience et voici que le prodige advient. Personne n'était plus étonné que cela, la gratitude nous habitait mais pas de hauts cris ni d'hystérie..... juste l'émerveillement et la gratitude.
Maintenant pourquoi encore amasser là où la mite et le ver consument alors que des hommes et des femmes se donnent à nous au travers des époques pour nous rappeler l'essentiel de toute vie : bâtir un trésor dans cet amour qui ne passe jamais, être des sources d'eau vive.
Pour que les grains semés grandissent en liens tissés
De pains multipliés en mondes d'unité
Ainsi nous serions plus nombreux à voir –et plus souvent-
Cette ouverture des cieux sur le sourire de Dieu
Pour des Vivants, des Vivants zélés.... des Vivants ailés…..comme des papillons.......
Joëlle Dederix
MARS 2014
L'enfant, le chien et l'ange
Printemps tiède qui se déroule sur les collines
Jonquilles fières qui roucoulent près des roubines
Et voici qu'arrive l'enfant
Avec dans sa foulée, le chien
Puis juste derrière, dans leur ombre
Visible seulement dans la fulgurance de l'instant
Et dans le crépitement de la lumière
Voici l'ange...
Regardez-les ces trois fous
Courir, sautiller dans les flaques
Se rouler dans la poussière
Tournoyer, danser, virevolter
Éclaboussures de diamant dans l'air frétillant
Ramures du Vivant sur les oliviers d'argent
La grâce vibre dans cette mouvance
Qui unit dans son jeu
Celui dont on ne prononce pas le Nom -
Ce Tout-Autre à peine perceptible dans le frôlement discret de l'ange -,
Celui qui s'incarne et se réincarne dans la chair palpitante -
Ce Fils qui redécouvre le monde à chaque naissance,
Puis Celui qui s'ébat, qui s'amuse de tout, qui aime même la boue,
Qui bouscule l'enfant et le protège tout à la fois,
Cet incongru qui nous fait balbutier des mots d'Amour,
La transparence de l'Esprit se devine dans les yeux confiants et fidèles du chien
L'implacable vérité nous percute quand le regard de l'enfant nous sonde
Car il est un Autre-Nous-même, un Tout-proche de l'éternité
Et c'est merveille lorsque la divine Présence de l'ange trouve en nous un cœur pour s'y nicher
Le soir tombe et le ciel rosit
L'enfant dort, le chien aussi, son souffle chaud dans le creux tiède du cou.
L'ange veille
Quelquefois il se pose à la fenêtre et le rideau frémit légèrement
Puis il revient près de l'enfant qui lui sourit dans son sommeil
Et, comme le chien se repose c'est lui qui dans les songes de l'enfant
Murmure ces secrets qui se transmettent depuis la nuit des temps
De génération en génération
Pour permettre à l'homme de se tenir debout
Aussi pour préserver le sacré et notre divine humanité
Il nous appartient de protéger l'enfant
De jouer avec le chien
Et d'écouter l'ange
Joëlle Dederix
NOVEMBRE 2013
"Mon être était semblable A une statue inachevée Ton amour m'a ciselé Et je suis devenu un homme" Mohamed Iqbâl
Entre mensonge et vérité
Il y a quelques mois mon fils nous rendait visite dans le sud,
Une merveilleuse surprise pour mon anniversaire
Le dernier jour arriva vite, trop vite
Il repartait par une après-midi déjà si ensoleillée en ce mois de février
Pour profiter un maximum de sa présence durant cette ultime matinée
Je téléphonai à l'école pour excuser l'absence de ma fille si heureuse de revoir son frère
J'expliquai très franchement à l'institutrice la situation et la raison de sa désertion
Quelle ne fut pas ma surprise de ramasser une volée de bois vert
Elle estimait ce motif absolument irrecevable
J'étais abasourdie et lui rétorquai ;
« Hé bien cela m'apprendra à dire la vérité
Tout compte fait si je vous avais dit qu'elle était malade..... pas de souci »
Faut-il mentir pour être dans les clous comme on dit ici... ?
Depuis ce moment je suis attentive à ces attitudes de mensonges et de vérités
Souvent interloquée devant ce ramassis de balivernes qui transitent dans les relations
Et encore davantage déçue de constater que berner l'autre, le gruger ….. paie !!!
Enfin......... à première vue
Parce que sur un autre plan de vision, d'être, dans la sphère spirituelle
Toutes les déviances envoient dans l'univers des énergies embrouillées voire très sombres
Qui forcément par une loi universelle qui est celle de l'attraction revient en boomerang
D'une façon ou d'une autre, à un endroit ou à mille lieux de là
C'est pourquoi j'aime toutes ces personnes qui ont un sourire lumineux
Et qui nourrissent de tendres et claires pensées pour le monde
Car tout est créateur
Comme la petite Thérèse qui priait pour qu'un condamné à mort se convertisse
Obtint gain de cause par sa persévérance et son amour inconditionnel
Il est certain que nos élans de compassion, de justice profonde et d'espérance
S'élancent vers les galaxies comme autant d'oiseaux porteurs de paix
Et plus nous serons à le faire plus les graines semées au vent germeront en ce sens
Si les miracles existent c'est qu'à un moment donné toutes les énergies se rassemblent
Se concentrent dans le même sens qui est celui de la foi qui transporte les montagnes
Alors oui, tout devient possible face à ce tourbillon d'abandon infini aux forces de lumière
Car la prière est lumière, la pensée juste et compatissante est lumière, Tu es lumière
Tes mains qui se tendent et qui caressent, qui se joignent et qui retournent la terre sont lumière
Ne dites peut-être pas toute la vérité …. du style.... oh quel énorme pif tu te paies...sic
Ou si vous êtes en pleine dépression inutile de le chanter sur tous les toits
La discrétion est sans conteste une vertu à cultiver
Mais soyez droits, ne tergiversez pas, que votre oui soit oui et votre non..... NON
Ne cédez pas aux tentatives de dissuasion, de manipulation, de culpabilisation
Lorsque je ne sais plus quelle attitude adopter, que je suis fatiguée de rester ferme
Que j'ai envie d'abdiquer juste pour avoir la paix, je me pose cette question :
« Que ferait mon maître » ?
Je ne sais pas quel est le vôtre mais vous voyez ce que je veux dire
Que ferait votre maître, votre modèle, celui qui a consacré du temps pour vous apprendre la vie
Qu'aurait fait Arnaud à ma place, qu'aurait fait mon cher François, mon père, ma mère....
C'est éclairant dans l'instant.... ; la réponse est là fulgurante
C'est ainsi que nos enfants apprennent les bonnes leçons de vie
Celles qu'ils se remémoreront quand viendra leur tour de guider et de transmettre
Je me souviens que lors de ma rencontre avec Guy Gilbert
Ce qui m'avait frappé c'est cette fermeté avec ces gars paumés
Pas de compromis et encore moins de compromissions
Mais un engagement vrai et un accompagnement qui ne défaille pas
Avec mon cher François si bon ce qui me laissait médusée
C'était son humour face aux menaces de mort dont il avait été l'objet
Un jour j'ai reçu une lettre anonyme du genre : faites ceci ou il vous arrivera une tuile
Il a rigolé, a prit la lettre et la brûlée avec joie dans le feu qui dansait avec lui
Pas de peurs, pas de nuque baissée, mais une totale confiance dans l'amour auquel il vouait sa vie
Dans l'effort et la grâce d'Yvan Amar il y a un passage qui m'émeut particulièrement
Il y relate sa première rencontre avec le maître indien Chandra Swâmi
Il dit que cet homme était d'une telle beauté qu'elle ne pouvait venir que du divin
Parce qu'il avait perçu instantanément en plongeant dans ce regard
Que face à un tel être il ne pourrait jamais mentir
J'ai ressenti la même chose en côtoyant François Péters
Et dans les bras d'Arnaud Desjardins j'ai compris dans ma chair ce magnifique tableau
Qui représente le fils prodigue enlacé par son père devenu aveugle à force
De regarder au loin dans la lumière implacable du désert si son enfant apparaissait à l'horizon
Dans l'Evangile il y a un passage que j'ai toujours trouvé surprenant lorsque Jésus dit :
Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent.
Comment un maître si bon, empli d'amour et d'accueil peut-il dire des choses aussi dures
Depuis peu il est vrai après un long cheminement il me semble comprendre son conseil
Je vis certaines situations dans lesquelles effectivement des humains se comportent
Comme des chiens dans le sens péjoratif du terme ou comme des porcs
Je réalise que dans ces cas là donner du sacré ne sert qu'à l'abîmer
Et le critère par excellence c'est toutes les non-vérités dans lesquelles on peut se complaire
Lorsque je regarde une personne dans les yeux lui quémandant la vérité
Et qu'elle me ment effrontément pleurs et arguments à l'appui...... c'est fichu de chez fichu
C'est l'Etre qui est foulé aux pieds, détruit, défiguré
Je crois qu'on peut être pitoyable, grossier, furieux etc etc…. rien de cela n'est grave en soi
Mais se tenir face à l'amour qui ouvre la porte et inventer, mentir, fabuler consciemment
C'est là le drame, l'impossibilité d'aller plus loin
Tout était possible avant ce moment et après cet instant, les ténèbres se répandent
La résurrection frappait à la porte et c'est la mort qui lui répond
Et le pendant direct du mensonge c'est le déni de sa propre inconscience
Qui en est d'ailleurs une autre forme
Comprenne qui pourra
Du style : « C'est pas moi, c'est l'autre, moi je suis un ptit mouton tout blanc et l'autre un méchant bouc tout noir......... » ou blesser l'autre puis ne jamais s'excuser, réapparaître après avoir semé des cendres et faire comme si de rien n'était, perdre son énergie à juger et critiquer sans jamais se regarder soi-même (du style les sépulcres blanchis ou les pharisiens bien-pensants....)
Hé oui ma plume est acerbe, tranchante et acérée
C'est qu'elle s'est affûtée au fil du temps
Pour devenir comme l'épée du chevalier de lumière
Celle qui dévoile la Sephira cachée, celle de la Beauté
Celle qui sans fard vous doit …. la vérité !
Joëlle Dederix
OCTOBRE 2013
Passeur de lumière
En passant dans une étroite ruelle le long des remparts j'ai vu mon peintre préféré
Un vieil homme vêtu d'un cache-poussière bleu, un chapeau de paille sur la tête
Majestueux et droit comme un if il tenait son pinceau dans une horizontalité parfaite
Près de lui une petite chienne blanche et bouclée faisait un somme à l'ombre de ses pieds
Ses maîtres sont Van Gogh, Gaugin et Cézanne, il le dit et cela se voit
Ses tableaux sont lumineux, il dessine la couleur, il trace des nuances invisibles à celui qui court
Chaque fois que je passe et que je l'aperçois je me pose pour une halte salutaire auprès de lui
Il fait partie de ces êtres à part qui vous livre du sacré dès que vous les regardez
Un jour un homme venu de loin est entré dans mon atelier, c'était le crépuscule
Il m'a dit de ne rien changer à ce que j'étais et il a poursuivi : « là-bas près de la fontaine allez voir »
Le vieux peintre y était avec son chevalet, ses pinceaux et cette odeur inimitable ;
Mélange rustique des huiles et des pigments
« Je cherche le son grave de mes sabots qui résonnent dans une église romane.... »
Le voici qui décline les mots de Gaugin et il y a de l'ardeur dans sa voix feutrée
Il tente de capter l'allégresse des dentelles de Montmirail encore et encore sans se lasser
Chaque grain du pavé, chaque sillon des murettes capte son attention et sa peinture chante
Hier je l'ai vu révolté, presque triste en tout cas découragé de l'humain
« Qui s'intéresse encore à l'art..... la plupart ne voit que l'argent......
Et ils n'ont rien compris au monde ….à cette terre...
Nous sommes tous responsables les uns des autres.....
La mort n'est rien.... j'essaie juste le temps de mon passage de célébrer ce que je vois....
Mais l'homme est devenu fou, un seul tremblement de terre et nous voilà détruits
Avec ce nucléaire qu'on aurait du stopper depuis bien longtemps....
Et le chômage parlons-en..... facile à résoudre... chacun travaille quatre heure par jour
On partage et puis c'est tout.... sommes nous nés pour être esclaves ???
Je revois instantanément mon dernier entretien d'embauche
Un poste dans l'éducation nationale pour insérer les gens comme moi
Qui ne trouvent pas de travail malgré leurs diplômes et leurs compétences
Un boulot qui vous bloque quatre voire cinq jours par semaine
Vingt heures échelonnées pour être secrétaire ou pion
Pour un salaire de miséreux : 670 euros net voilà juste pour payer un loyer
Et il faudrait voir ; ils se prennent au sérieux comme s'ils embauchaient un directeur
Vous êtes jaugés, cuisinés, piégés et finalement décrétés trop qualifiés
J'en ai été malade, cette suffisance, ce rapport dans lequel vous êtes maintenus serviles
Et à l'école ça commence déjà très fort
Les enfants du village se sont vus invités à réaliser des dessins
Ayant pour thème : « l'école de vos rêves »
L'idée étant de rassembler toutes les œuvres des gamins
Pour réaliser une fresque géante sous le préau..... vraiment une démarche géniale
Je me suis proposée pour les aider le moment venu ….
Les enfants ont dessiné avec joie : une immense école avec des jeux, des espaces verts, des animaux
Un potager, une mare aux canards, des arbres fruitiers et des endroits ombragés ou lumineux
Pour apprendre l'histoire et la géographie dehors chaque fois que possible
Et là ma fille revient en me disant leur immense déception
Le projet tombe à l'eau car soi-disant c'est trop difficile à réaliser pour les enfants
L'artiste « choisi » prendrait de surcroît trop cher pour mener à bien cette idée
(Moi je n'avais rien demandé …..)
Il va juste peindre un fond coloré et les enfants seront « invités » à dessiner des formes... sic
Triangles, rectangles, carrés, ronds …. on les prend pour des cons....
Engloutie au propre et au figuré l'école de leurs rêves
C'est ce qui se nomme : briser la créativité dans l'oeuf
Ou encore : C'est Mozart qu'on assassine !
Un jour en m'arrêtant près de mon peintre des mots ont jailli instantanément de ma bouche
Vous êtes un passeur de lumière
C'est le titre d'un livre sublime de Bernard Tirtiaux
Je n'ai encore jamais rencontré en France quelqu'un qui me parle de ce belge aux mains d'argile
Mais mon vieil homme lui rétorque illico :
Je suis en train de le lire
Les âmes se rejoignent, elles se reconnaissent et elles se sourient
Les anges sont parmi nous et ils voyagent incognito
Parfois ils pleurent sur l'humanité devenue si peu humaine, tellement inconsciente et nombriliste
La laideur c'est quand un homme trop riche menace du tribunal une personne trop pauvre
L'un ressemble à une tirelire et l'autre gratte pour trouver de quoi payer un loyer
Qui ira engraisser le capital déjà très fourni d'un homme aisé et beau juste en apparence
Mais pourri à l'intérieur car il faut l'être pour ne pas compatir à la détresse d'un autre soi-même
La laideur c'est ce fossé entre les nantis et les pauvres cloches que le vent charrie »
Ces centaines de résidences secondaires immenses et closes ne servant qu'aux vacances des uns
Tandis que les autres grelottent sur le pavé ou dans des masures mal chauffées faute de moyens
La laideur c'est cette arrogance et ce mépris pour les punis d'la vie
Là où se trouve ton trésor là aussi se trouve ton cœur
Et nul ne peut servir deux maîtres à la fois
Faites vous un trésor là où ni la mite ni le ver ne consument
Car vous êtes appelés à la dignité, à la liberté et à l'amour
Joëlle Dederix
SEPTEMBRE 2013
Qu'est ce qui ne tourne pas rond ?
Pas la terre ni le soleil ni la lune ni les étoiles
Pas la roue ni le temps ni le ventre des femmes
Pas les semailles ni les saisons hormis quelques fantaisies ou désastreuses folies
Serait-ce nos cœurs volages ou nos enfantillages ?
Serait-ce nos désirs, nos raisons, nos déraisons, nos soifs et nos faims ?
Qui sait....
Qui êtes-vous : cette question primordiale est aujourd'hui distraite voire désuète
Je ne parle pas du métier que vous exercez ni du club que vous fréquentez
Ni même du pays dans lequel vous êtes nés ni de votre sexe ou de votre âge
Je vous interroge sur votre substance intime, votre identité ultime
Sur ce qui vous fonde et vous façonne, sur ce qui règne en maître dans vos vies
Qui donne les ordres en votre demeure secrète, qui guide vos élans ?
Répondez-moi je vous en prie, dites-moi qui vous êtes en vérité ?
Ou plutôt …... où vous êtes dans le présent vivant ?
Car j'ai besoin de vous compagnons de route
Nous sommes reliés vous savez, indiciblement et inlassablement
Interconnectés comme les ceps d'un même sarment
Puisant à cette sève et ondulant sous un ciel commun
Oh je sais je parle dans un vide grandissant
Un désert intergalactique dans lequel ma voix résonne en faiblissant
Le capitalisme nous a enfermé dans ses griffes crochues
Et nous sommes devenus ces marionnettes dont l'âme gémit dans un cachot sombre
Sans savoir comment en sortir
Nous voudrions quelquefois sincèrement et d'autres fois nous ne faisons que du blabla
Ignorant superbement ou subtilement les signes d'un possible basculement
La conversion est dans ce retournement complet de la posture
Tous les chercheurs spirituels qui nous ont précédé en témoignent
Mais qu'est ce que nous voulons réellement ?
Là est la seconde question qui vient juste après la première
Changer ?
Changer quoi ?
Quelles sont nos conditions ?
Partager ?
Partager jusqu'où ? Et avec qui ?
Ah mais c'est que nous sommes enchaînés ….. à toutes les formes
Ces formes qui ne sont qu'illusions nous nous y accrochons comme des sangsues
J'ai trié des photos.... je me suis revue il y a vingt ans..... cette jeune femme a disparu
Oui elle a laissé la place à une autre mais la forme initiale s'est volatilisée
Puis j'ai revu les enfants petits.... un choc.... où sont passés ces jolies formes
D'autres les ont remplacées …. si jolies aussi …. demain elles seront différentes …
Là par contre la ronde des transformations se poursuit sans se lasser
Parce que c'est la loi du vivant à laquelle nul n'échappe
Mon père disait souvent que la mort était la seule justice
Car personne ne pouvait s'y dérober fut-il le plus beau, le plus riche, le plus célèbre...
Alors il me vient en mémoire ces superbes mots de Red Hawk
Sur la recherche de la vérité
« ….... Un tel homme ne cherche pas la vérité, il la trouve dans les plus petits détails de l'existence : s'asseoir tranquillement dans son jardin ; les oiseaux chantent et son cœur se remplit de chants ; la pluie tombe et il se sent comblé des bénédictions du paradis ; sa mort s'approche et il lui sert le thé »
Je ne suis pas prête à lui servir le thé
Pour cela il me faudrait plus de bienveillance aimante
Un endroit sans jugements pour m'asseoir inutilement ….
Car oui j'aime regarder le ciel couchée sur l'herbe, plonger dans les nuages
Manger une salade de pissenlits et une soupe d'orties
Méditer immobile et l'esprit léger.... NE RIEN FAIRE...... juste ETRE
Je tourne en rond comme la chèvre autour de son piquet
Alors faudrait sans doute que je me décide à l'arracher
Mais je risque de me faire bouffer par le loup paraît-il
Ah revoici la peur …..
Peur fondamentale, angoisse de la mort et du néant
Restons donc dans la mare grouillante des habitudes, des repères
Dans les relents de la consommation qui sentent les hardes du vieil homme
Pourtant quand je vois les poissons s'élancer et se laisser porter par le courant
Je voudrais les suivre, sortir de cet immobilisme
L'eau retourne toujours à sa source n'est ce pas ?
Voilà ce qui ne tourne pas rond, c'est que nous restons agrippés
Aux cailloux de la mare, aux abords de ses rivages
Tandis que nous sommes nés pour voyager
Parcourir nos terres et y découvrir d'infinis espaces
Etre libre et retrouver la source...
Ainsi si nous osons ce pas, un jour notre joie sera si parfaite
Que nous chanterons avec les oiseaux, bénirons la pluie
Et servirons le thé à la mort
Joëlle Dederix
JUIN 2013
La Maison de Vie
En 1983 je sortais diplômée de l'école d'infirmières de Verviers en Belgique
Le cœur brûlant de toutes ces rencontres et de tous ces visages côtoyés durant trois ans
A cette époque je n'avais pas encore entendu parler du VIH ni du sida
Huit ans plus tard alors que j'empruntais des chemins de traverse, en suivant le courant
Je me retrouvai dans un projet pilote à Moresnet : une équipe résidentielle de soins palliatifs
Sur les traces de Cicely Sanders et du Saint Christopher Hospice de Londres
Là je fus amenée à effectuer des recherches sur le sida et à en présenter le fruit à mon équipe
En effet la maladie prenant de l'ampleur nous étions sollicités pour accueillir des patients sidéens
Nous n'étions pas au point au niveau de l'infrastructure de l'époque mais surtout
Nous manquions de connaissances et donc de compétences
De fil en aiguille après la disparition tragique de ma mère je me retrouvai propulsée ailleurs
Je devins pédagogue et là lors d'un cours préparé pour mes condisciples je fus une nouvelle fois
Interpellée pour présenter ce virus de l'immunodéficience humaine
Dans l’auditoire tout s’est tu, on n’entendait même plus le bruit lancinant du robinet qui fuitait
La jeunesse des malades, ce calvaire, ces modes de transmission provoquaient chez nous de l’effroi
Mais aussi une immense compassion devant ces visages reflétant une indicible souffrance
J’ai alors accompagné des étudiants infirmiers durant de nombreuses années sur des lieux de stage
J’ai vu l’évolution du monde soignant en réalisant combien nous avons perdu d’humanité
Dans l’approche des corps et des âmes : les mains gantées pour toucher même les visages,
Les prises de pouvoir, le peu d’écoute véritable, les jugements de valeur et préjugés s’immisçant
Dans l’art de soigner comme un parasite venant détourner les blouses blanches de l’essentiel :
La relation humaine !
J’ai vu des malades pleurer du peu d’intérêt qu’on leur prêtait, de la colère aussi, une grande colère
A l’époque de ma formation le malade était au centre de notre démarche
Nous l’approchions dans sa globalité et sa particularité
Dans toutes ses facettes : physique, psychologique, socio-culturelle, familiale et spirituelle
Quand je me suis retrouvée professeur j’ai découvert combien les avancées scientifiques
Si elles avaient du bon présentaient un terrible revers de médaille : le morcellement de l’approche
Voici qu’un spécialiste soigne le rein, un autre le cerveau, un autre le cœur et ainsi de suite
Terrifiante conséquence de ce « saucissonnage » : l’être est découpé et non plus entier …..
Il vit, il vibre et ressent, toutes ces cellules sont reliées mais désormais ça on l’oublie
On soigne la machinerie d’un organe à la fois et ainsi s’amorce la déshumanisation
C’est mon constat
A l’époque j’écrivais beaucoup de chansons et de nouvelles
Dans l’une de ces dernières j’avais mis en scène un homme toxicomane
Qui après l’enfer de la dépendance à la drogue, des overdoses, des compagnons disparus
L’univers de la psychiatrie et de la désintoxication avait rencontré une femme ayant elle-même vécu
L’alcool, la prostitution, l’hôpital et autres descentes dans les abysses
Ils s’étaient trouvés, rapprochés, aimés et parce que la vie est toujours plus forte ils étaient partis
Partis ensemble rejoindre un projet hors normes, loin dans le sud,
Un endroit qui leur correspondait mieux
Une maison dans laquelle on redonnait une place à la globalité de l’être,
A sa place unique dans ce monde et dans cette incarnation,
Une maison où chacun était accueilli comme une image de son propre Soi,
Un cadeau sur la route, une chance pour cheminer
Dans cette maison les résidents étaient séropositifs et l’objectif était l’accueil de la vie
Je ne sais s’il existe des prémonitions ou si nous bâtissons quelquefois notre avenir
Par nos élans d’espérance et nos désirs qui dépassent notre cœur tant ils sont grands
Toujours est-il que lorsqu’il y a quelques mois j’ai découvert la maison de vie « en chair et en os »
Existant pour de vrai oui dans le sud pas trop loin de mon pays d’exil à Carpentras
J’ai ressenti émerveillement, gratitude et un impératif de pousser la porte pour entrer là….
Ce lieu est un projet pilote unique en Europe
Créé par la princesse Stéphanie de Monaco dans son investissement pour accompagner
Les personnes atteintes, prévenir la propagation du virus, aider la recherche
Inaugurée en 2010 cette maison a été pensée avec l’intelligence du cœur
Elle n’est pas un relais médicalisé mais un berceau pour la vie
Un berceau pour se reposer, être regardé avec douceur, être aimé
Nourri avec conscience et écouté avec attention
Sans répondre par des débats d’idées ni des discours soûlants
Mais juste par l’élégance d’un silence ancré dans la Présence
Ce que j’aime dans les berceaux ce sont ces incroyables vocalises qui en jaillissent
Ces notes invraisemblables qui gravitent dans toutes les gammes de l’humainement possible
Et que l’enfant range par la suite dans une tessiture médiane
Lorsqu’il apprend à parler et à communiquer par le langage des mots
Cette musique de l’être, cet inouï qui nous habite et que nous retrouvons dans les ateliers voix
Et me voici heureuse avec ces résidents et ces groupes qui se succèdent
Quant au cours de l’atelier chacun peut se reconnecter à Sa voix
Ce timbre unique, cette signature sonore qui telle une empreinte digitale
Nous fonde et nous fait participer au monde avec ce corps : le nôtre,
Instrument à nul autre pareil
Et voici ce souffle qui tel le sac et le ressac des vagues
Dans l’inspir et l’expir
Accueille tout ce qui se présente puis le renvoie à l’univers
Pas de mot mais du son, des voyelles, des syllabes, des onomatopées, du murmure
Des clameurs, des gémissements, du tonnerre, des gloussements, du rire sonore
Les mots ça serait repartir dans le mental, dans la raison, dans l’analyse, les explications
Dans la recherche du beau, du juste donc dans le triage voire la tricherie quelquefois
La voix pure nous débusque, voici qu’elle révèle notre identité première
Ce « Je suis » des grandes profondeurs …..
Et voici les improvisations vocales
Je vocalise cette émotion à laquelle j’accepte de me reconnecter
Je la partage, je la sors de moi sans fards et sans honte
Des fêlures, des imperfections du moment,
Dans cet échange d’humanité qui se livre sans masque
J’obtiens toujours des réponses qui dépassent toutes mes espérances
En réalité je n’attends rien de spécial mais je reçois l’inattendu et souvent la majesté !
Et voici qu’un homme amaigri assis dans ce fauteuil parce qu’il a du mal à rester debout
Me prend les mains et les serre longuement ses yeux si clairs posés sur les miens
Comme une eau fraîche
Qu’une femme toute belle s’avance vers moi en murmurant des sons apaisants
Qu’une plantureuse africaine retrouve les sons de sa terre natale
Qu’un humble et discret asiatique nous offre un inestimable présent : des sons du Laos
Que Paolo esquisse avec moi des arabesques inoubliables
Nous offrant une voix, mon Dieu, une voix d’abord en parfait écho avec la mienne
Et ce qu’elle tentait de dire puis progressivement enhardie se révélant
Puissante, sublime plongeant dans ses propres ténèbres pour les expulser au-dehors
Et tandis que la tristesse arrachait dans ses sons la racine d’un désespoir total
De grosses larmes jaillissaient de ses yeux et inondaient son visage
Ses mains toujours dans les miennes, nous étions tombés genoux au sol
Et les autres, les silencieux qui se reconnaîtront et dont la présence était si précieuse
Nous accompagnaient puis se rapprochaient de nous pour doucement nous entourer
Des murmures se sont levés comme des bribes de berceuses
Légers d’abord puis plus prégnants tandis que spontanément nous nous sommes relevés
Et que nos propres sons se sont transformés en entendant ceux des autres plus timides mais LA
Je ne peux l’expliquer avec des mots mais toujours dans l’improvisation vocale
Nous nous sommes retrouvés en cercle, tous main dans la main, puis bras levés
A tourner en vocalisant sur des notes de plus en plus joyeuses
C’était plus beau qu’on opéra
Inédit, bouleversant, magique et absolument unique
A vivre dans l’instant : l’humanité dans sa splendeur
D’ailleurs je m’aperçois de la difficulté à retraduire ce vécu avec des mots…..
Sachez cependant qu’après nous étions emplis d’énergie et joyeux, très joyeux
Avec des frissons qui nous parcouraient de partout
Il y a eu des larmes certes mais quelle lumière après dans les yeux
Il n’y avait pas de recherche de but même s’il y a eu catharsis…
Ce qui a été mis au dehors est parti sur les ailes du vent et aucune analyse n’est requise
Si quelque chose ou quelqu’un s’est libéré de certaines entraves
C’est tant mieux mais personne ne cherchera à l’expliquer
Ce que je veux surtout dire c’est que les personnes rencontrées à la maison de vie
C’est toi, c’est moi, c’est mon frère, ma sœur, c’est ma nièce, ma tante, mon patron….
Borgès disait : « Ce qui arrive à un homme arrive à tous les autres hommes »
Les clichés ont la peau dure mais ils ne sont que des clichés
Donc des parades contre la peur, des stigmatisations, des barricades factices, des trompe-l’œil
En quelques mois j’ai vu tous les âges, toutes les catégories sociales
Tous les genres, des races et cultures diverses, le virus ne cible ni un groupe ni un comportement
Si vous le croyez encore détrompez-vous rapidement
Car en France 30.000 séropositifs s’ignorent encore !
Cette maison de vie est un lieu où j’ai retrouvé tout mon élan
Pour donner et aimer l’humanité dans ce qu’elle a de plus noble et de plus vrai
Je remercie la princesse Stéphanie d’avoir rêvé, pensé, osé puis créé cette maison
Il ne pourrait exister un nom plus approprié pour cet endroit
La maison est cet abri où l’on peut se poser, se reposer et se ressourcer
La vie nous traverse tous que l’on soit malade ou bien-portant
Elle EST
Et si après ce passage les résidents repartent avec ce qu’ils ont découvert dans les différents ateliers
Dans leurs rencontres, leurs conversations, dans les repas, les promenades
S’ils peuvent se reconnecter avec leur propre corps, avec leurs habiletés, avec leur souffle
Avec quelques exercices simples pour se relaxer, se bercer, se réjouir
S’ils ont pu l’espace d’un séjour découvrir qu’ils sont au monde pour la Vie
D’une façon ou d’une autre, dans un soupir, une initiative, un sourire, un seul geste
Alors la maison de vie aura été un berceau fécond
Cher ami,
Lors du dernier atelier nous nous sommes rassemblés autour de toi
Le piano blanc s’était tu et humblement avait laissé sa place à la guitare pour t’accompagner
Chacun veillait à ce que tu sois bien, la couverture sur les genoux, le fauteuil bien orienté
Pour que tous captent tes mots, certains proches de tes pieds à les frôler
Tu as laissé parler ton cœur sans préparation juste ce qui venait dans ce moment fraternel
Tu as évoqué ta Loire natale et voici que nous y étions avec toi
Pour sentir les mêmes odeurs, voir s’envoler les oiseaux et écouter battre au creux de nous
La mouvance de l’eau tel ce Réel qui nous habite et palpite dans l’un puis dans l’autre
Aujourd’hui puis demain puis hier
Ici et là-bas jusqu’aux confins du globe et par-delà l’infini des galaxies
Cette maison de la Vie qui unit dans ses grands espaces toutes les trames de nos existences
Et puisque Platon disait que chaque planète a un son, le chant de toutes produisant ensemble
La divine harmonie
Moi je vous redis : vous avez tous une voix qui vous nomme, vous fonde et vous met au monde
Tous vous possédez un savoir issu de vos racines, de vos ancêtres, de votre propre être
Tous vous détenez un potentiel de changement, des ressources et des talents
Et oui vraiment, tous ensemble nous pouvons tisser une divine humanité…
Je vous remercie….. chers tous d’avoir croisé ma route…: le fort, l’humble si discret, celui qui laisse passer la lumière dans ses yeux, la timide au doux visage, la plantureuse, la toute belle, le nouveau Caruso, mon grand chevalier servant, ………………………………………………..
Lors de ce dernier atelier j’avais emmené Estelle ma fille de neuf ans
Elle est restée sans mot dire au fond la pièce mais elle a tout capté
Ce fut pour elle un moment initiatique
Elle m’a exprimé avoir été émue par tous, très touchée par les sons du Laos et m’a dit avoir pleuré en entendant la voix de Paolo, elle se souvenait de tous les prénoms et de chacun….
Je ne puis dire combien de fois elle m’a dit depuis deux jours : « quelle chance tu as d’aller dans cette maison de Vie », voici que ce soir elle tentait l’ingénue de me convaincre qu’elle pourrait bien
y assister encore une fois …… elle a été si sage…….merci pour elle
Joëlle Dederix
P.S. Paolo a permis que je le cite.
MAI 2013
Derrière le voile
Quand on arrivait en ville les rues ruisselaient de vitrines
Les manèges tournaient et le bitume tremblait sous les automobiles
J'y allais rarement lorsque j'étais enfant car je craignais ces lieux étranges
J'étais terrorisée par l'anonymat des foules, par les sirènes des ambulances
Je suppliais ma mère de me laisser seule à la maison
Je pleurais pour ne pas aller à la foire ou au carnaval, j'avais horreur des flonflons
Et lorsque les petits se précipitaient pour ramasser les bonbons qui pleuvaient
Je faisais semblant de participer à la liesse générale mais au-dedans je pleurais
J'ai toujours cette hantise aujourd'hui quand je dois affronter la métropole
Mes sentiments n'ont pas changé et quand je vois des gens qui meurent à même le sol
La nausée m'envahit doublée de la crainte d'être un jour emprisonnée
Dans ce bruit, dans ce déferlement d'opulence comme de pauvreté
La scène que je préfère dans « François et les chemins du soleil »
C'est ce passage après sa maladie quand il sort sur le rebord du toit
Juste vêtu d'une simple chemise de toile ses pieds nus cherchant leur équilibre
Comme un funambule sur son fil, ravi de respirer et de se découvrir si heureux
La joie le submerge et le rapproche d'un oiseau pour lequel il s'émerveille
Tout change à partir de ce moment capital qui le ramène à son Soi
Plus rien ne pourra le détourner ce cet impératif qui est de VIVRE
On dira sans doute qu'il est fou, simplet, décalé …. Moi, je le vois bienheureux
C'est exactement cette sensation que j'ai voulu peindre
Ce déchirement du voile derrière lequel nous attend sans feindre
La lumière pour laquelle nous sommes nés et de laquelle nous sommes faits
Le reste n'est qu'illusion, égarement, dispersion, consolation, méprise
C'est vrai que la lumière baigne toute la nature, des fontaines aux forêts
Qu'elle se balade discrète dans les ruelles et dans le creux des églises
Mais pour la sentir me pénétrer j'ai besoin de la retrouver dans ce miroir
De l'eau qui gazouille entre les pierres, qui murmure sous la mousse
Dans cet espace au-dessus des grands pins, des nuages qui passent puis trépassent
Dans le vol de l'aigle qui voit tous les détails si loin et de si haut
D’aussi loin que je me souvienne lorsque revient le soir
J’écoute les frôlements de l’herbe qui pousse
Je guette les derniers sons de la cloche et j’espère trouver ma véritable place
Etre un jour délivrée des entraves imposées par la société du « il FAUT »
Vous pourrez bien me dire que je suis une douce rêveuse hors des réalités du monde
D’abord y’a longtemps que je ne rêve plus doucement et que je sais ce qui me fonde
Ensuite seuls ceux qui comme moi luttent pour s’adapter à cette impitoyable société
Sont à même de me comprendre et de rejoindre mon plaidoyer
Comme l’écrivait le merveilleux Michel Berger
« Pour me comprendre il faudrait savoir qui je suis et pour l’apprendre devenir mon ami…. …… connaître
…… Le souffle de mon frère qui dort
……. La résonnance de mes premiers accords…….. »
Ces dernières semaines j’ai presque regretté d’être née avec l’âme si artiste
Cette sensibilité qui accueille les confidences et attire les chercheurs d’un hors-piste
Mais puisque je ne peux échapper à ma véritable nature je prends un pari
Sur les centaines de plumes envoyées qui va prendre trois minutes et demie
Pour m’envoyer à son tour un clin d’œil, un encouragement, un merci
Gageons que je n’en aurai même pas dix
Excepté si je compte les « veuillez me retirer de votre liste ….. »
Au passage j’exprime ma gratitude à ceux qui par leurs mots me font du bien
Ceux qui répondent et qui n’hésitent pas à le faire même à deux heures du matin
Alors que pourrais-je engager dans mon pari ?
Voyons voir, pas d’argent que je ne pourrais donner si je perds (on ne sait jamais !)
Pas mon âme que je ne voudrais quand même pas vendre au diable (qui sait quelles pourraient être ses lubies et sous quels vêtements il pourrait se cacher … !)
Ben voilà rien je ne trouve rien que quelques mots, une ligne de notes, des vocalises, des couleurs pour illuminer votre maison….. un repas à partager, une soirée chansons… ?
Trêve de larmoiements (j’aimerais mieux écrire trêve de plaisanteries …. Humour …. )
Les chiens aboient, la caravane passe
La mienne est déjà à l’horizon toujours en quête de ce qui se trame derrière le voile
Attirée par la flamme vacillante ou fragile qui se devine derrière l’échancrure
Cette ouverture des cieux après la pluie
Cette danse des yeux après les larmes
Délicate déchirure du cœur qui se dilate trop pour se laisser museler
La création entière le proclame : nous sommes créatures et notre nature est lumière
Et la lumière advint par une parole, un son, un souffle
Indéfectiblement liés pour déverser sur nous un prodigieux et incommensurable Amour
Joëlle Dederix
AVRIL 2013
A partir d'un film....
Il y a vingt ans un soir à Liège une amie m'a emmenée dans un excellent cinéma
Ce genre d'endroit qui propose des films d'auteur, un espace pour la différence et l'éveil
Sur l'écran les images ont défilé et m'ont bouleversée tant que je m'en souviens encore précisément
« Priest » en version originale raconte le parcours d'un jeune prêtre dans la banlieue londonienne
Il est pétri d'idéal, frais émoulu du séminaire et se trouve confronté aux dures réalités de la vie
Avec la violence, la bêtise, l'ignorance, l'hypocrisie et les désordres causés par l'alcool et la misère
Vient se confesser à lui une adolescente violentée par son père
Puis dans la foulée l'homme lui-même avoue son forfait en se moquant outrageusement des lois
Celles de l'église et celles des hommes
Il connaît le sacro-saint secret de la confession et a détecté chez l'abbé une stricte adhérence à Rome
Le prêtre est déchiré entre ce qu'il a appris et ce qu'il découvre
Dans la foulée il devine que son confrère a une relation intime avec sa gouvernante
Il condamne cette situation avec virulence tandis que l'autre ne songe qu'à devenir son ami
Et tente de lui apprendre le non-jugement, l'amour que l'on peut ressentir pour une femme
En même temps qu'être ému jusqu'aux larmes par la lecture des Evangiles
Tellement passionné par Jésus que devenir son missionnaire est une évidence
Le prêtre se réfugie dans la prière, il jeûne pour tenir le cap dans la tempête qui s'annonce
Les paroissiens sont engoncés dans leurs systèmes de croyances, hostiles au changement
Peu nombreux aux offices, désintéressés de l'engagement dans une foi sincère
Les désillusions s'amoncellent et dans ce déferlement la prière ne vient plus à son secours
Le prêtre craque et plonge dans une aventure d'un soir
Mais son cœur bat et il est amoureux
De surcroît il s'avère que cette passion est dirigée non pas vers une femme mais vers un homme
Je me souviens d'avoir vu ce soir-là pour la première fois de mon existence
Un baiser échangé par deux hommes
Une scène longue et sans fards
Je me rappelle avoir été émue jusqu'aux entrailles
Parce qu'en cet instant précis je réalisai que l'amour n'a pas de frontières
Quoiqu'en en dise
Quoiqu'on en pense
Qu'on le veuille ou non
Après ce « dérapage » notre jeune prêtre se sent désespéré
Il mène son travail comme il peut mais sa foi vacille
Son amoureux vient le voir à l'église et se voit refuser la communion
Le prêtre sent que tout lui échappe
Il imagine un stratagème pour que la mère de la jeune fille abusée rentre chez elle plus tôt que prévu
Et tombe sur le fait ; ce qui se passera et lui vaudra les reproches de la mère
Découvrant qu'en fait il savait tout depuis le début
Il n'en peut plus et revoit son amoureux
Là enlacés dans une voiture ils se font surprendre par les gendarmes
Le scandale éclate et éclabousse toute la banlieue
Le prêtre est déplacé dans un coin obscur et sordide de campagne profonde
Auprès d'un vieux curé qui le méprise tant qu'il peut
Dans l'adversité et la solitude il reprend contact petit à petit avec son être profond
Son ami-collègue vient le visiter dans une véritable fraternité
Et le persuade de revenir dire une messe avec lui
Au bout du compte il se laisse convaincre
Il réintègre la paroisse et lors du sermon il s'adresse à tous
Il parle simplement de ce qu'il a fait et demande pardon à l'assemblée
De nombreuses personnes outrées quittent l'église en manifestant haut et fort leur désapprobation
Restent les autres et vient le moment de la communion
Deux files sont censées se constituer : une devant chacun des deux prêtres
Mais là tous les paroissiens de dirigent vers l'autre et ignorent le jeune prêtre
Il reste esseulé avec son ostensoir et ses hosties à attendre tandis que de l'autre côté
Le rang s'allonge jusqu'au fond de l'édifice ; le prêtre tremble et ses épaules s’affaissent
Soudain, sortant d’un banc on voit une jeune fille qui doucement les larmes aux yeux
Pose ses pieds sur les dalles de marbre et seule, seule parmi le peuple des chrétiens
S'avance vers celui que les bien-pensants et les pharisiens ont condamné
Elle s'approche pour recevoir de lui le pain béni, elle qui a vécu le sordide de l'abus
C'est près de lui qu'elle vient chercher le Vivant blotti dans cet humble réceptacle
Lorsqu'il la voit il s'effondre en pleurs sur cette épaule compatissante signe de l'amour divin
Et elle le reçoit, l'héberge contre son sein, ce sein déchiré et trahi par les siens
Le film glisse sur cette icône puis rejoint les coulisses dont il est issu.
Voici ce qui revient murmurer dans ma mémoire en ces temps perturbés
Ces jours où la folie nous guette au travers des médias, des manifestations
Des clameurs virulentes au sujet de l'homosexualité notamment
Quelquefois j'ai honte d'être chrétienne quand je vois l'acharnement
Qu'il peut y avoir à défendre des causes au nom d'une loi sans amour
Je voudrais qu'on se débatte autant pour lutter contre la pauvreté qui envahit nos cités,
Pour aider les femmes seules qui élèvent leurs enfants
Contre vents et marées avec de très petits moyens
Je voudrais qu'on se démène autant pour aller au chevet des malades
Des vieux laissés pour compte, des filles violées, des exilés
Des chômeurs, des séropositifs qui se cachent encore dans un anonymat obligé
Je voudrais qu'on vienne au secours avec autant d'ardeur
Des femmes battues et qui meurent chaque jour en France victimes de violences conjugales,
Des enfants suppliciés, des clochards et de leurs chiens
La liste n'est pas exhaustive
Arrêtons ce haro indigne, on se croirait revenu à la chasse aux sorcières
Ouvrons les yeux et voyons que le monde est vaste, les espèces qui y gravitent
Nombreuses et diverses ; magnificence de cette multiplicité qui recouvre la terre de beauté
Les cultures ne vivent pas toutes de la même façon
Ce qui est bien chez l'un est déprécié chez l'autre et inversement
Où est la vérité ???
En Occident avec la monogamie, l'amour comme base du mariage ? Etc etc
En Asie avec des mariages arrangés basés davantage sur l'alliance dans le travail ? Et etc
En Afrique avec les oncles qui gèrent les familles, certains lieux où la polygamie règne ? Etc etc
Chez les Nâ de Chine où les femmes choisissent leurs amants chaque soir
Où ailleurs encore où les enfants sont élevés par des pères sociaux et pas par leurs pères biologiques
Dans certaines tribus éloignées de nous où les rites homosexuels font partie du parcours initiatique ?
La liste n'est pas exhaustive
Je vois d'ici certains puristes me rétorquer que Jésus a dit que …. etc etc
Soyons francs, si Dieu existe et qu'il est plus grand que notre cœur comme on le dit
Qu'est-ce que cela peut lui faire de compter avec qui nous passons la nuit
De calculer tchic et tcac comme un vulgaire marchand de tapis ???
Jésus fréquentait les prostituées et a bien signifié qu'elles nous précèdent dans le Royaume
Les histoires sur le sexe, les interdits et les peurs sont fabriquées par les hommes
A cause de leurs projections, de leur envie de pouvoir et de leur manque d'amour
Nous sommes faits pour exulter et tout qui s'est penché un peu là-dessus
Sait pertinemment que la rencontre sexuelle est encore une recherche de sacré
Parfois malhabile, parfois inadéquate, certes mais mue par un profond désir d'extase
Le véritable péché de Sodome et Gomorrhe était de refuser l'hospitalité à l'étranger
Hospitalité sacrée en Orient car c'est toujours Dieu qui frappe à la porte
Etranger accueilli avec célérité dans les règles monastiques car venant de l'extérieur
Il peut poser un regard clairvoyant et plus objectif sur le quotidien de la communauté
Ce qui me hante quelquefois c'est le temps perdu à discourir des autres
Au détriment de notre transformation personnelle
C'est drôle comme il est plus simple de distinguer une écharde que de voir une poutre
Je ne dis pas qu'il faut tout permettre, qu'il ne faut pas de rivages ni de cadre
Bien sûr que je prône la voie du milieu, l'équilibre en toutes choses
Ne faisons pas ce qui est en-dessous de notre dignité : cela est un critère imparable
Comme celui de la sobriété, de la noblesse, de l'élégance du geste et du propos
Car le corps est le temple de l'âme et la bouche parle de l'abondance du cœur
De belles fleurs poussent partout en ce printemps
Elles envahissent les talus et titillent les pieds de vigne
Elles font ce pourquoi elles sont faites nous offrant leurs plus jolies robes
Parfumant les sentiers puis mourant sans un cri pour féconder la terre
Nous sommes éphémères mais durant ce temps fabuleux de nos jours et de nos nuits
Nous avons à devenir libres : libres de la matière, du temps historique, des illusions et des dogmes
J'ai rencontré ce matin une personne qui m'a dit
« Il nous faut aller vers l'impeccabilité en tous temps, et l'impeccabilité est toujours hors normes.... » Ainsi si nous avons à danser, dansons, …. à chanter, chantons.....
Ne nous préoccupons pas tant du regard des autres ni de ce qu'il adviendra …..
Faisons ce pourquoi nous sommes là, ce que notre âme nous supplie de mener à bien
Car au bout du compte.......
Dans quelle file prendrons-nous place lorsque nous serons invités au banquet de la vie ?
Joëlle Dederix
MARS 2013
Le berceau de la Joie
Que d'événements ces derniers temps, que de bousculades, que d'émotions
Si bien que j'ai même fermé la porte aux mots, aux emails, aux questions
Dans l'espace silencieux, regarder le vol des oies sauvages,
Respirer un coucher de soleil jusqu'à l'étreindre puis tourner la page
Simplement, doucement sans agitation mentale qui vienne fissurer la lumière
Enlacée à l'instant si fugace mais intimement présent, fiancée à la prière
Pas celle d'un leitmotiv ni d'une répétition creuse mais celle du désert
Quand l'infini habille les dunes et que le sable se recueille sur la tombe des pères
C'est un élan du cœur qui soudain bat sans écouter les pensées qui passent
C'est un chant d'amour qui jaillit de toutes mes cellules sans qu'elles n'y prennent garde
Je ne vous dirai pas les mots ni les sons qui la composent car chacun a la sienne
C'est une prière secrète accrochée à mon âme et arrimée à mes persiennes
Elle jaillit de ma poitrine qui expire, elle m'inonde quand l'air revient me visiter
Elle m'éveille dans l'aube qui frissonne et chuchote quand la nuit veut m'emmener
Ne croyez pas que je suis épargnée, que je rêve debout, que je suis ahurie,folle ou simplette
Les épreuves ont jalonné ma route souvent douloureusement et même dans l'absurde et le drame
Le bonheur je ne sais pas trop ce que c'est, je l'ai juste touché du doigt, j'ai eu quelques miettes
Mais ça m'est égal car ce n'est pas lui que je cherche dans cette quête qui m'anime, qui m'affame
Non ce que je souhaite ardemment et par-dessous tout c'est de trouver ….. la JOIE
Profonde et parfaite, celle qui demeure, je voudrais devenir ….... LA joie
Dans les dialogues avec l'ange voici ce que je lis :
« Je vous parle du berceau de la joie. Haine, feu, poison, c'est cela le berceau de la joie »
La joie est le signe tangible de la vie éternelle qui nous habite
Elle est le témoin de la divinité qu'incarnaient les saints
Rien ne peut l'altérer parce que celui qui s'y est ancré a traversé la haine, le feu et le poison
Regardez les yeux des sages, la lumière y fait son abri, nulle peur, seulement la bonté et la joie
Ah c'est cela que j'envie, que je désire, que je convoite, que j'espère et que je cherche....
J'ai rencontré il y a quelques jours des personnes atteintes du VIH
Nous avons mangé ensemble puis chanté autour du piano
Chaque visage était une parcelle de cet inouï, il y avait du rire jusqu'au bout des touches
J'étais ravie de découvrir leurs potentialités, la richesse de leur présence
Je réalisais que nous sommes UN, nous sommes sarments d'un même cep
Ce soir à l'aquagym j'ai ressenti quelque chose de similaire
Ces femmes en maillot, pulpeuses ou plus maigrichonnes
Avec le maquillage qui dégouline et les cheveux qui s'effarouchent
Soudain du même sang, de la même famille, une solidarité de groupe
Sans rien demander en retour et au milieu de nous vigilante.... la Joie
Puis au détour de la rue les enfants qui passent en faisant de grands signes de la main
Le chien de l'irlandais qui s'échappe du bar à moins que ce soit un autre qui lui ressemble
Et voici un pilier de bar qui se trébuche en loupant une marche d'escalier à la sortie
Et ma vieille Pierrette toute petite dans sa grosse volvo qui fonce droit devant
Le berceau de la Joie
Les factures qui reviennent après un mois, tiens un procès-verbal pour excès de vitesse
L'évier de la cuisine qui se bouche pour la millième fois, un orage qui gronde
Ma fille qui a mal à la tête, une amie qui m'envoie sur les roses sans que j'y comprenne rien
La fièvre qui me terrasse, la vaisselle qui rapplique et le frigo qui se vide
Le berceau de la Joie
Une invitation inattendue, le chat qui attend des petits, une mésange qui pépie
Un balourd qui pond des conneries à la minute, des ouvriers qui plantent la vigne nouvelle
Madame Ronchon qui me croise sans me saluer
Monsieur Trucmuche qui s'approprie toutes mes idées puis s'en glorifie...
Le berceau de la Joie
Mes amis d'ici, d'ailleurs et de partout
Mes ennemis d'ici, d'ailleurs et de partout
Les jaloux, menteurs, hypocrites
Les fidèles, attentionnés, amis de la première heure et de la dernière je l'espère
Le berceau de la Joie
Vous qui me lisez, qui me croisez, qui m'aimez, qui ne m'aimez pas
Ceux qui sont venus et déjà repartis, les parents, les frères et sœurs de route
Les enfants qui sont devenus grands et les petits qui rêvent de le devenir
Les amants, les amours, les arbres et les ruisseaux
Le berceau de la Joie
Et par-dessus tout....
Les amandiers en fleurs...... le berceau de la Joie
Joëlle Dederix
JANVIER 2013
Le gardien du village
Dans chaque village à l'entrée ou dans les dédales des ruelles
Il y a un gardien, une âme qui veille
Sans le dire, sans l'écrire, sans le proclamer
Mais discrètement dans le cœur et la vérité
Un être qui dans son énergie lumineuse fait planer sur les lieux
Cet air particulier qui peut réunir sur la même place les jeunes et les vieux
Dans chaque village dans les coins obscurs ou sur les parvis
Gravite un peuple hétéroclite aux multiples visages, aux cent mille saris
Il existe aussi des hommes et des femmes peu tolérants voire de réels gredins
Mais le gardien qui tient secrètement la bourgade dans la paume de sa main
Parvient de façon naturelle à imposer le respect et, d'une seule parole
Juste, claire et calme à rassembler autour de lui toutes les écoles
Dans mon nouveau village, celui que j'ai adopté il y a plus de deux ans
J'ai rapidement compris que celui qui, dans les arcanes des mondes infinis,
Avait accepté cette responsabilité était un homme d'une envergure remarquable
Il m'impressionnait d'ailleurs beaucoup mais devant lui je retrouvais mon air d'enfant
Car il faisait partie de ceux-là chez lesquels la dignité fait alliance avec un regard d'ami
Intelligence du cœur et du verbe, sobriété dans la maladie, en tous temps l'élégance véritable
Un jour qu'il prenait un café près de la fontaine habillé de simple et de mystère
Je pris place près de lui pour partager le chant de l'eau, échanger des idées, même sans mots
Je lui demandai si je ne le dérangeais pas ….. il sourit et répondit : « pas du tout, je travaillais... »
Un peu interloquée je m'enquis de le questionner sur ce labeur énigmatique
Ses yeux riaient quand il m'éclaira sur ma question : « je PENSAIS...... »
Là je me penchai et découvris ses pieds sous la table : de belles chaussures... SANS chaussettes
Dans ce village c'est ce grand homme, le maire, qui depuis des mois nous invite à la vie
Celle qui s'incline devant chaque instant et les petits cadeaux du quotidien
Celle qui ne fait pas de bruit mais se donne dans les coulisses pour que le spectacle soit réussi
Celle qui n'entretient pas de vaine discussion, celle qui ne se vante pas mais EST …. LA
Nous l'avons vu si souvent, ce bel arbre aux mains d'argile, franchir le seuil de la mairie
Traverser la place, aller chercher son pain, s'asseoir pour contempler, écouter pour comprendre
Il est de coutume le premier vendredi de janvier d’assister aux vœux du maire
Il y était en ce début 2013 et nous a offert des souhaits de maître
Aucun apitoiement sur lui-même pourtant si fatigué, affaibli
Sa belle voix chaude, grave et tremblante s’offrant à nous une ultime fois
Un discours d’humanisme profond, de sagesse ancestrale, une trace d’inouï
Un homme jeune sachant qu’il va mourir mais qui n’en fait pas cas
Et voici qu’il est mort l’ami, le maire, l’homme admirable, le maître
Tout le village se sentant orphelin s’est retrouvé sur la place pour ses funérailles
Les huiles comme on les nomme ici (les vip, politiciens…) se sont exprimées
Puis les plus proches, les associations dans lesquelles il gravitait sans compter
L’émotion et la charge dramatique étaient palpables mais par-dessus tout
Nous sentions combien cet homme avait inspiré l’estime chez tous et partout
Le gardien au charisme inné s'en est allé
Et nous nous sentons abandonnés
Qui va colmater les brèches, dire la justice, calmer les tempêtes
Tenir les balises dans l’orbe de son œil, rester aux aguets
Qui va déposer sur ses pas ce discernement, cette bienveillance
Je ne sais pas mais s’il est parti c’est qu’il nous accorde sa confiance
Sous les cieux il est un temps pour chaque chose
Ce temps est celui de la tristesse, de l’intériorité, du silence
Que les egos se taisent et hissent le drapeau, qu’ils fassent donc une pause
Que chacun cesse de vouloir récupérer les bribes d’éphémère, ne lui faisons pas offense
En nous agitant, en nous glorifiant mais soyons dignes d’avoir pu cheminer avec lui
Honorons-le dans le secret de nos cœurs et à notre tour, portons du fruit
Il laisse dans son sillage de grands espaces à habiter
Des projets à poursuivre ou à parachever
Des semences à accompagner vers la floraison
Mais aussi un vide dans toutes les maisons
Yves Tardieu comme tu vas nous manquer, cette élégance toute en sobriété
Cette intelligence de l'Etre, cet humanisme porté en vérité
Si jeune encore tu as mené ta mission à bon port, comme un chevalier vaillant
Et, certes tu mérites la couronne de gloire réservée à ces hommes ardents
Qui dans le silence bâtissent de grandes œuvres….
Peut-être es-tu parti parce que tu avais accompli ce qui était à accomplir
Sans doute étais-tu prêt : de multiples témoins en font la preuve
Et de quelque part dans la lila des galaxies tu dois nous voir frémir
Dans tes voiles souffle le vent de ceux qui restent dans les mémoires
Va cher ami, va mais ne nous oublie pas et veille sur nous
Joëlle Dederix