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Moustaches
Histoire coquine de deux scélérates juchées sur un promontoire innocent juste en apparence
Nouvelle écrite pour le concours de Vaison-la-Romaine 2010 (France)
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Certaines sont tissées en cheveux de soie, d’autres ressemblent plutôt à des fils de fer domestiqués. La douceur des duvets fragiles, les longs cils des minets graciles nous font rêver de ces baisers particuliers qui nous chatouillent timidement les lèvres tout en y déposant leur suc nacré. Quant aux belles bacchanteos, s’il leur arrive de faire de l’ombrage sans le vouloir juste par leur imposante stature, elles n’en restent pas moins fascinantes à contempler. Pour celles qui s’y frottent, c’est sûr, ça pique ! Séduction un peu surannée des bons commerçants d’antan et des lieutenants armés ... jusqu’aux dents !
Depuis qu’elle est haute comme trois pommes, mon amie Juliette les adore. D’ailleurs à chaque fête de carnaval invariablement elle se déguise en jolie chatte. Juste pour le plaisir de les arborer, de dessiner ces lignes ardentes de chaque côté du ponton fièrement dressé de ses narines frétillantes. Ca lui donne un petit air coquin et même depuis ses quinze ans, cela la rend franchement sexy ! Quant à moi, j’ai un faible pour les persans quand ils les portent aussi royalement que leurs yeux dorés.
J’en connais qui ne les aiment guère ces intruses si futées pour aller se loger sous le nez des vieilles dames jusqu’alors si coquettes. Quelques jeunes filles de mon entourage se passeraient bien de leur insistance à fleurir sur le pré de leur bouche sensuelle et les vouent aux gémonies à chaque séance d’épilation à la cire chaude.
L’autre jour en tournant le coin de la rue Flüche, j’ai vécu l’expérience d’une collision frontale avec un homme au long pardessus marron qui marchait à grandes enjambées. Mon crâne a fait : « toc » ; le sien je ne sais pas car je me suis évanouie.
Lorsque j’ai repris mes esprits, un visage stupéfait se tendait vers le mien avec dans le regard une vague appréhension.
Mademoiselle, est ce que ca va... ? s’est enquit le bel étranger. A son air perplexe, je devinai que je devais être particulièrement jolie avec des ecchymoses en garniture. Je tentai de me relever à grand-peine ayant l’impression bizarre d’avoir été foudroyée par un omnibus au chauffeur ivre. Levant péniblement mes paupières argentées, je réprimai une exclamation de surprise en voyant la mine interloquée de mon tombeur de femmes.
Julien ? C’est toi ? balbutiais-je avec entre chaque syllabe, une pause conséquente due à la douleur dans la mâchoire quand un son en franchissait le seuil.
Marion » ? Je suis désolé ! murmura-t-il une lueur fauve roulant sur sa peau. Puis surpris, il rajouta : « Mais alors, tu m’as reconnu » ?
Il faut dire que je n’avais plus croisé Julien depuis notre enfance dans les faubourgs de Paris. C’était un lointain cousin et nos familles s’étant brouillées à propos de je ne sais quelle broutille cela faisait au moins dix années que nos parents respectifs s’évitaient ou se fuyaient.
Bien sûr que je t’ai reconnu, j’ai des étoiles dans les yeux et un bruit de tirelire cassée dans la tête mais on a dormi dans le même lit tu te souviens, le jour de mes six ans... ça ne s’oublie pas cela terminai-je en roulant un sourire –un peu tordu par la souffrance- à l’intention d’un gars qui ma foi était devenu un très bel homme ! Surprenant d’ailleurs cette métamorphose !
Julien me proposa d’aller prendre un verre puis de fil en aiguille m’invita à souper. A la lueur des chandelles je me sentis rapidement intimidée. Très sûr de lui, aux antipodes de mes souvenirs d’enfant qui le gardaient en mémoire maladroit et plutôt maussade, Julien m’apparaissait enjoué, séduisant et même enjôleur. Il avait un je ne sais quoi que je ne parvenais pas à définir mais qui me charmait sans conteste. Bien avant la fin du dîner, j étais conquise et à mon grand dam, je sentis soudain une vague de désir m’envahir, arrogante et impérieuse lorsqu’il posa ses lèvres sur la serviette de table. Subjuguée, pendant quelques instants, je ne vis plus que le cristal scintiller sous les bougies et, toute tremblante, la voix chevrotante je sentis mes yeux me piquer, mes joues rougir comme la braise d’un feu de tous les diables lorsqu’il ouvrit pour moi un sourire blanc comme les pétales d’un crocus.
Que tous les saints du paradis me viennent en aide songeai-je rapidement tout en perdant soudainement le cap lorsqu’une langue rose et pulpeuse vint lécher sans pudeur les coins rebondis de deux réceptacles palpitants de lumière et de vie. Ses lèvres goûtant le vin, ruisselantes de pluie m’attiraient inexorablement et je ne comprenais pas pourquoi j’étais ainsi capturée moi qui d’ordinaire gardait mon self control en toutes circonstances.
Osant lever les yeux pour capter les paillettes vertes qui se promenaient sous les sourcils, je gravis lentement les monticules menant aux rondes fontaines de la colline de son nez busqué.
C’est ainsi que je découvris enfin les scélérates qui m’avaient débusquée dans ma secrète libido et qui, infernales d’ailleurs, continuaient leur fatale hypnose. Prise au piège de leur matité exquise, je les voyais s’animer, chalouper comme une femme voluptueuse, s’abandonner au maître qui les caressait dans le sens du poil puis retomber en cascades de frissons, vaincues par l’extase d’un lissage patient et attentif à chaque ressac.
Je ne sais même pas comment j’ai pu me lever ni marcher ni ensuite m’écrouler dans le lit de cet homme. J’ai honte de l’avouer, je crains de lui avoir fait de sérieuses avances sans aucun détour ni poésie et avant toute allusion de sa part. Quelle nuit mes aïeux ! J’ai dansé toutes les danses, gémit tous les gémissements, exhalé tous les soupirs. Et tout cela est advenu par la faute de ces entremetteuses irrésistibles, ces « mange-vertu » juchées sur leur temple comme des sentinelles dressées à voir venir les proies qui se feront dévorer libres et infiniment consentantes. Tous les conquistadors devaient en porter j’en suis convaincue. Ah on peut bien pavoiser sur les courbes des femmes, leur grain de beauté par ci, leur parfum par là ! Les hommes ont cet unique privilège d’attirer l’envie de frotter une peau nue contre eux juste en omettant de passer leur lame sur le promontoire de leurs lèvres charnues. Crinières oubliées par volonté, ruse ou quelquefois par mégarde qui s’abandonnent lascivement aux méandres du rire et des clignements d’yeux. Herbes ondoyantes aux pas feutrés qui s’aventurent dans les galeries souterraines des femmes pour les faire chavirer.
Les moustaches sont de joyeuses luronnes. Sous leurs allures de fausse pudeur, elles cachent bien leur jeu gaillard ! Les femmes se croient toujours farouches. Mais je vous le garantis, devant ces aventurières qui ont ce petit air de ne pas y toucher, elles font exploser les scellés et chevauchent débridées les étalons les plus fougueux. Pariez- vous avec moi que dès à présent beaucoup d’hommes ayant entendu ceci seront d’ici peu d’ardents moustachus !
Joëlle Dederix
Le cri du papillon
Un crime étrange dans les bocages du pays de Herve.
Nouvelle lue à deux reprises en radio et primée par le centre culturel d’Aubel
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C'était un petit coin de terre bercé de monticules et de roches claires, bordé de cailloux sur un chemin où se disputaient les herbes folles et les talus fantasques. Les ornières au creux desquelles l'eau prenait plaisir à danser une ronde bleutée le creusaient de sillons tout au long d'une course argentée. Les sentiers innombrables se divisaient en mille labyrinthes pour rejoindre là, au tréfonds de ce terrain en pente, un mince ruisseau qui gazouillait entre les méandres d'une minuscule mais charmante vallée. Les arbres si divers et si nombreux se serraient et s'entrelaçaient comme pour donner une harmonieuse unité à ce tout petit coin de terre que les habitants jaloux appelaient le bois de Bèfve ou encore le bois de Clermont du nom de ce pittoresque village qui se dressait fièrement non loin de là. (….)
Patrick emmena sa jument vers le ruisseau. Quel délice, pensa t'il en s'asseyant sur une souche tandis que le cheval se rafraîchissait (….) Il s'allongea et tourna son grand corps vers le sous-bois. Chaque pouce de terrain lui était familier et il en aimait toutes les arabesques.
Bientôt, un sentiment de malaise le frôla, d'abord imperceptiblement puis davantage jusqu'à ce qu'il en prenne conscience. Quelque chose trouble ces lieux pensa t'il vaguement mais, il chassa cette sensation désagréable en cherchant à retrouver celle qui lui était coutumière : la plénitude. Ses yeux errèrent sur les couleurs enrobées du soleil qui illuminaient le sous-bois. Brun tendre et vert lumineux teinté de multiples nuances, jaune or et pourpre... pourpre... il lui sembla tout à coup que le pourpre envahissait tout son champ de vision jusqu'à devenir rutilant et rouge... rouge comme le sang...! Son cœur s'accéléra et se mit à battre follement. Un sentiment de terreur l'envahit brutalement..., il voyait enfin ce qui l'oppressait, ce qui noircissait cette fresque... du sang... Là-bas, entre deux arbres, étendu de tout son long, inerte, un corps. (……….)
Patrick n'entendait plus ni le pépiement des oiseaux ni le chant de l'eau, il ne percevait plus que la peur froide qui s'insinuait entre ses côtes. Il s'approcha, lentement, sans bruit, glacé car, à mesure qu'il avançait, il voyait s'agrandir le rouge. L'homme, étendu sans vie, avait visiblement été tué à coups de couteau ….. Patrick le reconnut et laissa échapper un cri de terreur.
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Fille du vent
Les folies du mistral joueur et enjôleur dans les collines provençales.
Nouvelle écrite pour le concours de Vaison-la-Romaine (France)
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Depuis quelques jours, il se faisait de plus en plus insistant, déployant ses grandes ailes sur toute la vallée du Rhône. Rien ne lui résistait, ni les feuilles qui se déchiquetaient sous son souffle puissant, ni les cyprès qui ployaient l'échine devant ce seigneur avide ni les oiseaux dont il déviait le vol. Il s'engouffrait avec violence jusque dans les maisons poursuivant avec insolence les hommes et les femmes de cette terre jusque dans leur sommeil. Il sifflait à leurs oreilles avec ce petit murmure accablant comme le diable se régalant du désordre qu'il cause.
Il glissait sournoisement sous les vêtements, goûtant avec délices la saveur sucrée de la chair des femmes, humant voluptueusement l'odeur saline du torse des hommes. Il dansait des farandoles sous les jupes des filles et s'improvisait le coiffeur le plus exubérant qui soit lorsqu'il s'évadait vers le ciel en emportant dans les pans de son manteau des hordes de cheveux désemparés.
Le mistral jouissait ainsi de sa royauté en se roulant dans la poussière des champs, en s'entortillant autour des ceps de vigne puis en repartant à vive allure vers les collines déjà si odorantes.
Nous étions au tout début du moi d'avril et je venais d'avoir 40 ans……
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Fil d’Ariane
Ou lorsqu’une infirmière tisse des liens entre la nuit et le jour dans les couloirs de l’hôpital
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Telle la fauvette qui virevolte de branche en branche, elle s’active de chambre en chambre, effectuant un soin, relevant un oreiller, changeant un drap, offrant un sourire, une main, évitant parfois un regard. Et la lumière s’infiltre de plus en plus à travers les rideaux, auréolant les fronts encore endormis de minces et fragiles rayons. Elle voudrait s’attarder davantage, l’infirmière pour regarder le service reprendre vie mais le temps presse, le matin approche maintenant à grands pas chassant les opacités d’une longue nuit ;
C’est un autre jour sur la terre. Pour certains, c’est l’espoir complice qui renaît au creux des draps ; pour d’autres c’est l’anxiété tenace qui ressurgit des brumes ; Mais pour tous, c’est une nouvelle fois la sensation du cœur qui bat. La palpitation s’amplifie, la clarté sort des ténèbres, les effaçant pour jaillir lumineuse comme une promesse (…) Les battants se referment à nouveau sur elle, dans l’autre sens cette fois (…) Sarah est légèrement vacillante, les tourbillons de la nuit l’ont épuisée. Elle porte les stigmates de ses luttes, elle, le fil d’Ariane qui voltige entre le soir et le matin. Elle est belle des défis qu’elle a relevé. Elle ôte sa blouse blanche, laissant apercevoir sa nudité. Elle respire…. C’est comme le vent du large qui frémit avec sensualité. Elle va faire l’Amour avec la Vie…
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Planète blanche
La poudre est blanche comme la mort ; Faut-il changer de planète ?
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Revêtu d'un pardessus troué, il sortit du pub enfumé. L'air des quais le fit tressaillir. La bruine tombait, légère...
Où allait-il passer la nuit? Gare du Nord ou dans le squat qu'il lui arrivait de partager avec d'autres paumés à l'extrémité de la ville? Il opta pour la seconde solution plus à l'image de ses humeurs.
Ses compagnons d'infortune avaient passé la soirée à faire la manche puis, ils avaient trouvé la came qu'il leur fallait pour se payer un trip en enfer... Il les rejoignit à l'instant propice, l'heure du voyage à l'héro...
Vu de l'extérieur, quelle dérision que le spectacle de ces lits minables, de ces planchers bourrés de vermine... Ils étaient nerveux, pressés... Leurs doigts experts se mirent à l'œuvre et leurs bras s'offrirent à la seringue. Déjà, ils n'étaient plus maitres de leurs gestes et ci et là on put entendre des soupirs, de légers cris dans un espace ouaté.
Le brouillard s'infiltra sous tous les interstices des portes, couvrant leurs corps de sueur frileuse et blanche, comme le froid, comme la mort... Il n'y eut plus que le silence...
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Trois petites notes de musique
Un disque rayé comme un amour qui se déchire….
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« Une cloche sonne… sa voix d’écho en écho… »
Le crescendo de l’artiste envahit la poitrine de Thomas tandis qu’il promène son rasoir sur ses joues. Le cœur qui bat dans cet habitacle accélère sa cadence comme la musique qui résonne en lui. Les souvenirs cognent dans sa mémoire. Dans le miroir, l’image se forme de plus en plus nette.
Une ossature ciselée, un front fier et ouvert, un regard si large qu’il en prend toute la place.
« La noce à François Nicot… prend pour femme la douce Elise… »
Elle s’appelait Rose. Elle fut son grand amour. Le jour où ils s’unirent, le village était couvert de neige et le ciel riait de son grand bleu. L’étrange visage de la mariée était son éblouissante parure.
Thomas s’essuie furtivement le menton et de sa main effleure le miroir.
« Un seul cœur, une seule âme… »
Dire qu’il l’a cru, et si longtemps encore ! Jusqu’au jour du drame…
La bouche de Thomas se tord sous l’insoutenable douleur. Il plaque violemment son poing sur le transistor. Son bras heurte de plein fouet cette glace qui reflète ce qu’il ne peut plus voir ; Comme un fou, il la martèle sans plus rien ressentir que la nécessité de la faire disparaître. Un brouillard monte du sol comme la brume de ce soir fatidique d’il y a vingt ans. Le sang se répand sur son corps comme le rouge de cette violence qui l’a laissé pantelant de misère après le départ de Rose.
Thomas s’effondre…
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Ethérée
Une histoire fluide et volatile sur les rives de la Rochelle….
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Elle marchait dans les rues du vieux port et tout l’enchantait !
Les musiciens et leurs rythmes péruviens, les portraitistes qui esquissaient ça et là des ébauches de visage face à des gens immobiles concentrés sur leurs attitudes pour offrir à l’artiste leurs traits immuables. Les bateaux amarrés au ponton se balançaient doucement complices de l’eau qui dans un léger clapotis voguait dans leur sillage. La lune malicieuse habillait les coques d’un châle lumineux dans une ponctuation d’arabesques blanches et sombres. Ainsi, ces voyageurs étaient transfigurés, presque vivants. On aurait dit que les horizons qu’ils avaient frôlés étaient inscrits à même leur bois.
Alors, le désir d’être seule s’imposa à elle d’un seul coup. Elle eût envie de se rapprocher de l’océan loin des rires et des chants humains pour écouter cet autre langage, issu des profondeurs marines.
Elle marcha donc vers lui pour se retrouver très vite hors de l’enceinte de la ville sur une petite grève déserte. Elle s’assit sur le rivage de façon à pouvoir remplir ses yeux des reflets mordorés de l’écume et ouvrir ses oreilles aux sons amenés par les vagues.
C’est alors qu’elle l’aperçut, silhouette insolite marchant si près des flots….
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