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DECEMBRE 2011

 

 

plume juin 2011

 

REVEILLONS...

Il y a deux jours je me suis trouvée en panne de voiture sur un grand parking
D'un des multiples magasins d'une grande zone commerciale à Avignon
Batterie complètement à plat, plus moyen de démarrer
J'étais à deux encablures à pied d’un garage « réparation rapide »
Je me suis donc empressée vers leur atelier
Là, devant moi un homme très en colère apostrophait le directeur
L'accusant de l'avoir roulé dans la farine à deux reprises déjà
Il a menacé de lui casser la tête en deux et à ses collègues aussi s'il le fallait
Je me suis mise à une certaine distance pour éloigner ma fille de cette scène de violence
Après quand est venu mon tour, et bien ils m’ont dit que leurs « services » ne pouvaient m'aider
Mon véhicule se trouvant en-dehors de LEUR parking je devais me débrouiller seule
Ou appeler un dépanneur pour amener mon automobile devant leurs outils
J'ai pensé : voilà un drôle de monde, des milliers de gens autour de moi font leurs achats de Noël
Et les choses se passent comme si j'étais isolée à un coin perdu de la planète....
Plus tard ayant enfin réussi -je vous passe les détails- à poser mon véhicule à l'endroit requis
Je suis partie faire un tour en attendant que la réparation se fasse
Je suis entrée à Auchan.... une ville entière y grouillait
Des néons, des magasins de toutes sortes, des pères Noël, des carrousels avec des petits avions
Qui montent et qui descendent pour griser les enfants pouponnés, bien vêtus
Des bistrots, des coiffeuses, des étalages débordant de friandises, et partout des guirlandes
Un ruissellement de marchandises enrubannées de couleurs vives
Des lumières qui valsent à chaque mètre rythmant la cadence des caddies
Moins d'une minute plus tard j'étais perdue, je me sentais comme ivre
Je ne voyais pas où aller, les rayons sont tellement longs qu'on en distingue pas le bout
L'abondance, la surabondance, l'opulence d'un monde occidental proche du déluge...
Et les gens qui circulent en tous sens, rapidement comme des pantins téléguidés
Soudain j'ai entrevu ce que Gurdjieff appelait « l'homme-machine », le peuple endormi
En plein jour, des êtres déambulant comme des automates juste préoccupés
De tout ce qui est temporaire et illusoire
Je suis sortie sans rien acheter et ai filé vers le grand magasin de jouets tout proche
Là, embouteillage de chariots débordant de jeux avec des enfants qui choisissent
Tout ce qu'ils veulent sous l'oeil attendri de leurs aînés
Des distractions horrifiques brisant la créativité dans l'oeuf
Par exemple des modèles pré-dessinés avec un système très performant
Empêchant la peinture de déborder et donnant au petit peintre l'illusion
Que sans effort et sans attention il a réalisé une œuvre d'art..... aseptique
Je voyais dans les yeux de ma fille une terrible déception
Trop, beaucoup trop d'objets agglutinés les uns à côté des autres
Avec comme seul intérêt de ramener de l'argent dans les tiroirs caisse
Ma fille m'a dit : « Maman, si j'étais le président dans ce pays, je supprimerais les pièces.... 
comme ça si quelqu'un a besoin d'une salade il va au super U et il se sert.... sans devoir payer...
... il peut manger.... » 

 

Quand j'ai récupéré ma voiture moi aussi j'ai eu envie de casser la tête au vendeur
Devant l'énormité de ma facture....
Comme je suis d'un naturel calme j'ai juste risqué : « C'est cher pour une batterie.... »
Sourire perfide en face sans réaction, figé dans le scénario du vas-y que je te croque

 

Autre anecdote en ce beau temps de Noël
La semaine dernière au lycée se déroulaient les conseils de classe
La France se veut très démocratique alors deux délégués de chaque classe y participent
A la même table que leurs professeurs, entendant tout ce qui se dit sur leurs condisciples
Prenant des notes, y allant de leurs commentaires sans aucun complexe
Deux soirs d'affilée j'ai cru que je me trouvais au tribunal
Plutôt qu'à une réunion entre professionnels
Pas de retenue ni de sobriété, c'est l'heure des règlements de compte
Insolence, humilier un professeur devant ses collègues et devant la direction
Quelle joie pour des jeunes qui vivent dans une société favorisant le déferlement narcissique
Et par là même les attitudes perverses
La prochaine fois je me ferai accompagner.... j'embaucherai un avocat !
Je n’en ai pas cru mes yeux et mes oreilles mais cela m'a confirmé dans une chose
C'est que l'Occident n'a plus de cadre, plus de références, plus de limites
Dans mon jeune temps nos parents faisaient confiance aux instituteurs
Estimant que si leur enfant était puni c'est qu'il l'avait mérité
Les premières choses qu'on m'a apprises sont la politesse et le respect
Envers ceux qui nous précèdent, envers ceux qui se dévouent à nous transmettre leurs savoirs
J'étais dégoûtée en sortant de ces réunions..... de dupes !

 

Heureusement vendredi j'ai fait chanter tous les enfants du village pour une rencontre de Noël
Avec les parents, les familles, les amis,
Un moment de pur bonheur dans la simplicité, une joie qui demeure dans les cœurs

 

Mais lorsque j'ai découvert ce qui s'est passé à Liège dans « ma »ville
A des kilomètres de distance, j'ai eu mal à mes racines
Ce geste fou et destructeur est un traumatisme qui est, j'en suis convaincue,
La résultante d'une société sans autorité, sans règles, et je me répète sans limites
Il y a des chaînes de causes à effets et nous ne mesurons pas suffisamment
Les conséquences dramatiques de nos comportements, de nos paroles, de nos choix
C'est pourtant facile à comprendre, c'est comme l'effet papillon
Ce qui se fait aujourd'hui n'est pas juste une chose qui se passe au présent
Mais qui a des répercussions dans l'avenir à un endroit ou un autre de la planète
Et qui s'inscrit dans nos inconscients collectifs

 

La justice de ce monde n'est pas la justice, elle défend les droits de ceux qui enfreignent la loi
Et finit pas punir les victimes d'avoir osé se plaindre
Dans une société traditionnelle on apprend que si on commet une bêtise
On demande pardon ET on répare, ce qui sous-entend une sanction en regard de l'acte
Et on panse les blessures de ceux qui pleurent dans une présence solidaire
Moi ce que je vois c'est une société solitaire
Et infatuée de son égocentrisme
Qui court à sa perte
Et ces pauvres personnes qui sont déchirées pour toujours par la perte d'un enfant
Dans des contextes aussi destructeurs
Et qui en plus doivent supporter de faire l'objet sur le net
De propos scandaleux, de jugements s'ils n'ont pas suffisamment pleuré
Ou pas envie de « tuer le tueur » ou que sais-je,
SILENCE
COMPASSION
SOBRIETE

 

Devant la bougie de Noël pensons à ceux qui ont le cœur brisé et prions pour eux
En communion fraternelle, nous faisons partie du même peuple
Devant la dinde farcie pensons aux pauvres qui ont faim et froid en cette nuit
Ouvrons la porte, mettons un couvert de plus pour accueillir l'étranger
Ange pour notre table, présence de Dieu en personne !
Noël sans partage n'est pas Noël, c'est juste une ripaille de grande laideur

 

REVEILLONS-NOUS avant que la vie ne rencontre la mort car la vie est courte
Pour nos réveillons de cette année mon unique souhait est celui-là : REVEILLONS-NOUS.

 

Joëlle Dederix

 

 

 

NOVEMBRE 2011

 

 

plume juin 2011

 

CHOISIR LA VÉRITÉ

Dans une paroisse un prêtre annonce à ses ouailles qu'il renonce désormais à sa charge
Il témoigne que sa vie prend un tournant décisif et longuement réfléchi
Comme d'autres avant lui il a traversé d'intenses moments de solitude
Quelques déserts, des temps d'oasis aussi ; il a accueilli des tonnes de confidences
Murmuré des dizaines de chapelets, béni les fronts tendres des nouveau-nés, uni des fiancés
Puis il a sans doute découvert la monotonie de certains rites vieillots
A du se coltiner la bêtise rigoriste et a tempéré ceux qui ne touchent plus terre
Quelquefois très fatigué il s'est demandé pour qui, pour quoi tout ça
Mais des découragements passagers, on a en tous quel que soit la voie choisie
Il s'est donc raccroché à ce grand amour par lequel un jour il s'est senti appelé

 

Seulement la vie n'est pas faite de discours même très nobles
Elle coule surtout au travers des relations, des hommes et des femmes que l'on croise
Et on grandit en ouvrant la porte à celui qui frappe car c'est bien connu
C'est toujours le divin qui cogne à l’huis surtout quand arrive l'inattendu
Il y a tant de voiles à ôter avant que ne meure le vieil homme
Et que naisse l'homme nouveau
Tant de défroques à jeter par-dessus les haies
Pour voir plus clairement ce qui palpite dans les profondeurs
Et un jour il n’y a plus lieu de sauver les apparences

 

Dès lors quand les yeux s'ouvrent il arrive qu'un changement de vie s'impose
Pour sortir des sentiers battus et quelquefois même sortir de prison
Le prêtre en ce dimanche se tient sobre et droit, debout face au peuple
Il dit tout simplement la vérité, celle que d'autres cachent
Il aime son maître encore plus qu'avant mais il aime aussi une femme
Son cœur de chair vibre et il ne peut pas faire semblant
Ca serait en-dessous de sa dignité d'homme

 

On n'entend pas une mouche voler dans l'église
Le silence en est presque lourd
J'ai le cœur serré car s'il a du courage je crains ce qui va se passer dès sa sortie

 

Le lendemain les journaux s'emparent de lui
L'assistant paroissial s'il évoque leur amitié parle dans la même foulée
De la « petite » distance qu'il instaurera avec lui
Les fidèles de tous les quartiers organisent des rencontres improvisées
Autour d’un café, à propos du curé, et fusent les commentaires de toutes sortes
Certains compatissent ou comprennent tandis que d'autres restent choqués
Choqués de quoi on se le demande la terre n'a pas tremblé pourtant
Il est juste arrivé une belle histoire d'amour à un homme discret et en quête de vrai

 

Il lui faudra trouver un autre travail, bâtir une nouvelle histoire, homme en marche vers la lumière
Un jour il rencontrera son grand maître en face à face vous savez celui qui disait :
 « La vérité vous rendra libres »
Ces deux-là se reconnaîtront et ils auront tant à se dire que lorsque le jour touchera à son terme
Le maître suppliera son disciple de rester encore un peu avec Lui.
Et ils rentreront pour partager le pain....

 

 

Joëlle Dederix

 

 

 

OCTOBRE 2011

 

 

plume juin 2011

 

UNE MAISON-REFUGE

Certains disent de leurs maisons que ce ne sont que des briques ou.... des planches
Cependant regardez comme elles nous ressemblent
Bordéliques ou aseptiques, grandes ou petites, sobres ou chargées,
Elles en disent long sur nos goûts, nos désirs et nos priorités
La mienne était mon abri, mon refuge, le lieu de ma vraie vie
Lorsque mon âme chantait ou que mes doigts couraient sur le piano.
Je lui ai confié tous mes rêves et tous mes secrets
Sur les murs j'y ai déposé des touches de couleurs,
De la lumière et des vaches bondissantes.
Dans les herbes folles j'ai creusé des sillons et semé des graines,
J'ai cueilli les pissenlits pour faire du sirop, les noisettes pour les croquer à mon gré.
Un jour quelqu'un est venu en sournois quand je n'étais pas là.
Quand je suis rentrée, mes guitares et le tableau de ma mère avaient disparu
C'était son dernier cadeau ; un vol c'est un viol voire un meurtre ou un sacrilège
Quand il s'attaque à l'être, à ce qui est précieux pour le cœur de l'habitant des lieux.

 

Les hommes passent et trépassent, les maisons demeurent puis changent quand elles ne sont plus habitées ou cajolées et si cela durent trop longtemps elles meurent elles aussi.
Une maison s'inscrit dans une histoire au creux d'un vallon ou au sommet d'une colline, elle ouvre la porte sur un temps, une vie ou juste quelques pages que l'on tourne un jour pour de bon en laissant dans l'air qui chemine sous les toits des traces de l'énergie qui nous animait lors de notre passage, fût-il bref, en ce temple.

 

Je viens de traverser une expérience forte dans un chalet d'alpage au cœur de la montagne face aux aiguilles d'Arves. Une soirée aux bougies près d'un feu de bois, un repas frugal partagé avec des gens simples et qui nous ont offert un cadeau de prix : la gratuité de leur accueil. Nous avons dormi les uns près des autres avec le souffle du chien et les ronflements du poêle. Le grand silence souriait de toutes ses étoiles et là-bas sur les crêtes la neige étirait déjà quelques-uns de ses rubans. A l'aube la fée du logis s'est levée pour rallumer les brindilles et faire frétiller l'eau dans la bouilloire tandis que nous savourions la chaleur de notre corps sous la pile de couvertures. Le chien et l'enfant célébraient leur joie d'être vivants en gambadant et en inventant de nouvelles caracoles tandis que nous rangions avec amour cet antre dans lequel nous avions pu nous retrouver...

 

Un refuge c'est un abri, un lieu qui préserve, qui donne du sens au partage, qui prend soin de l'essentiel en nous. Et si un jour il faut partir pour d'autres aventures pensons à dire merci, puis à confier à d'autres yeux et à d'autres mains ces espaces de ressourcement. Enfin en redescendant vers la vallée le temps viendra peut-être de recréer sur une terre d'asile une cabane, une église, un chalet ou une maison à notre image qui sera une piste d'envol pour la créativité de ceux qui y feront escale.

 

 

Joëlle Dederix

 

 

 

SEPTEMBRE 2011

 

 

plume juin 2011

 

CROYANCE OU EXPERIENCE...

Au creux des collines gazouille une belle rivière poissonneuse.
A flanc de coteau dansent les vignobles parfumés. Septembre grésille sous un soleil ardent tandis que le silence impalpable se rompt ci et là pour accueillir les claquements des sécateurs et les ronflements des tracteurs. Les vendanges rassemblent les couples espagnols, les ouvriers polonais, les pauvres bougres cherchant à glaner quatre sous et les jeunes gens forcés de payer leur loyer. Les grappes lourdes de sucre tombent dans les seaux. Les doigts gourds, le dos courbé et le gosier brûlant je comprends pourquoi la vigne est le meilleur symbole du travail des hommes et d'un salaire gagné à la sueur de leur front. Tandis que mes mains gardent la cadence j'imagine le nombre incalculable de bouteilles de vin qui sortiront des caves, garniront les tables -celles des particuliers et celles des restaurateurs-. Je me promets de ne plus avaler une gorgée de ce nectar sans penser à ce que j'expérimente durant cette saison.

Comme pour toute chose, il y a la croyance d'une part et, l'expérience de l'autre. Tenez, je vois bien mes anciennes collègues, talons aiguille et rouge aux lèvres, croirent que faire les vendanges c'est bucolique, amusant, qu'on boit du matin au soir et que toutes les nuits on s'endort doucement ivres sur les tables ou encore que de jolies dames retroussent leurs jupes fleuries pour écraser sous leurs mignons petons les raisins divinement consentants. Voici comment la croyance brode des idées, façonne des images voire fabrique des dogmes qui peuvent être à dix mille lieues de la réalité présente. Venez et voyez vous-mêmes au cœur de la vigne ce qui s'y passe. Oh ! Que vois-je.... un vigneron qui écrase les fruits dans sa remorque ses bottes aux pieds. Tiens, on ne parle pas mais on bosse sous un soleil accablant quelquefois quatre heures d'affilée sans aucune interruption. Misère, nous ressemblons à des bêtes de somme quand la tendinite du poignet survient tenace et douloureuse ou quand les courbatures nous obligent à vendanger sous anti-inflammatoires et paracétamol. Et si quelques grappes pourries se mélangent au reste votre vin sera juste un peu pétillant si vous êtes suffisamment futé pour l'apprécier. Le dernier jour, oui c'est la fête mais avant cela c'est le dur labeur !

Sur un plan spirituel l'expérience tisse au creux de notre chair la trace de la vérité avec cette possibilité de nous métamorphoser à travers elle en profondeur tandis que la croyance renforce l'illusion et nous retient à la superficie sans aucunement nous mener à la transformation.
Un jour, en passant près de la rivière poissonneuse j'ai rencontré deux hommes en grande discussion. Tous deux émettaient des idées radicalement opposées voire contradictoires au sujet de leur religion respective. Tous deux possédaient des arguments qu'ils jugeaient irréfutables et défendaient leurs croyances becs et ongles avec une conviction proche de la passion. Bientôt ils se disputèrent au nom même de leurs dogmes tandis qu'impassible près de la rivière se tenait un vieux pêcheur. Je l'observai de longues minutes tandis qu'il demeurait au bord de l'eau parfaitement immobile. Venez et voyez.... j'approchai donc et je vis que cet homme connaissait chaque remous et chaque méandre de la rivière, qu'il savait les silences à respecter pour attraper un poisson. Je vis qu'attente, persévérance, vigilance et discernement n'étaient plus de vains mots pour lui mais constituaient des trames inscrites au plus intime de sa propre existence parce qu'il en avait fait l'expérience.....

Là-bas, deux hommes enchaînés à leurs croyances, esclaves de leurs ruminations mentales se chamaillaient avec des mots en s'éloignant de la source vive. Je m'assis sans rien dire près du vieil homme. Au chevet d'un silence sans ride je tournai les yeux vers la colline la plus proche. Là, précédant le vignoble, je découvris, veillant en sentinelle de ce lieu, une chapelle si belle que je me sentis infiniment aimée telle que j'étais sans paroles et sans bruit. Et juste parce que la vie a choisi d'habiter en moi je me penchai sur l'eau qui court pour lui confier mon plus beau sourire.

 

 

Joëlle Dederix

 

 

 

AOUT 2011

 

Photo offerte par Michel

 

plume juin 2011

 

MERCI

Il y a en ce monde quelques êtres d'exception.
Je vous souhaite la chance d'en rencontrer un durant l'espace de votre vie.
Vous le reconnaîtrez à son regard clair posé sur vous avec une infinie compassion et un amour inconditionnel, à son humilité totale et à son intelligence de cœur.
Croiser sa route ne pourra vous laisser indemne mais vous offrira la possibilité de vous transformer, de sortir de vos prisons et de vos tombeaux.
Sur ma route, il y a quelques mois, j'ai eu la grâce de voir, d'entendre et de toucher un homme remarquable, de cette beauté qu'ont les maîtres même dans leur grand âge. Je vous donne son nom comme on confie une perle précieuse… il s'appelait Arnaud Desjardins.
Il vient de quitter son corps et si sa présence physique va désormais nous manquer, son rayonnement spirituel n'a pas fini de fleurir.
J'ai au bout des lèvres des paroles de gratitude et au bord des paupières des larmes d'amour pour un homme qui a expérimenté dans sa chair tous ces chemins qui mènent à la liberté, qui a traversé sa vie et ses épreuves en s'appuyant sur elles  pour en faire des points d'appui vers plus de conscience.
Oui, vraiment, Arnaud tu es un témoin de ce travail de vigilance qui au travers de toutes les traditions est la voie vers l'éternité déjà là.
Là où tu as vécu, dans ce dernier lieu que tu as habité de ta lumière il y a partout des signes tangibles de ta nouvelle présence : celle qui dépasse l'espace et le temps, celle qui est désormais inscrite au sein de ton œuvre comme dans tous les cœurs que tu as ensemencé. Elle veille sans se lasser dans le silence, dans les feuilles qui palpitent, dans la nature qui frémit, dans l'eau qui bondit de roche en roche, dans les vibrations de la cloche qui sonne et des âmes qui résonnent...
Tu as montré ce qu'est un homme debout, un passant qui marche vers la lumière, un passeur de vérité...
La bonne nouvelle est que cela est possible pour tout homme qui sort de sa lâcheté et de sa tiédeur
Et cette promesse est sacrée donc sera tenue quoi qu'il advienne
Car :
TOUT concourt au bien de ceux qui aiment Dieu.....

 

 

Joëlle Dederix

 

 

JUILLET 2011

 

 

plume juin 2011

 

INCOGNITO

C'était un charmant village perché à flanc de colline. Le climat y était doux et il fut un temps où les touristes venaient nombreux flâner dans les ruelles fleuries. C'était la belle époque lorsque les plus habiles potiers faisaient la renommée de la cité. Depuis plus de vingt ans, les merveilleux artisans étaient morts les uns après les autres sans que quiconque ne prenne le relais. Ainsi le lieu auparavant si animé s'éteignait chaque jour davantage. Un soir d'automne, un étranger arriva et s'installa dans un des anciens ateliers désertés. Les premiers mois, il fut accueilli chaleureusement par tous. Il parlait peu et personne ne savait exactement ce qu'il était venu faire là ni d'où il venait. Les plus jeunes et les plus vieux avaient été conquis d'emblée par les qualités indéniables de l'homme. Les yeux lumineux, le cœur ouvert, la voix pleine révélaient un maître. Bientôt il se mit à façonner l'argile et, devant chaque œuvre qui naissait sous ses doigts, les enfants poussaient des cris de joie. L'étranger était une bénédiction pour la renaissance du village. Tout le labeur des potiers d'antan par l'alchimie subtile de l'univers revenait à présent dans une juste résonance se manifester au travers de ses mains sublimes. Ceux qui avaient cherché à préserver les anciennes poteries dans leurs caves se dirent ente eux : La bonne aubaine, nous allons lui demander de les restaurer! L'étranger leur ouvrit une grande porte mais précisa qu'il était venu pour créer du nouveau fut-ce avec de l'ancien. Il leur proposa donc de dépoussiérer les vieilleries et de les habiller de neuf tout en se laissant inspirer dans le silence par le souffle de ses ancêtres. Là, devant cet homme libre, le ton changea et très vite il sentit le vent tourner. Un croche-pied malencontreux le fit trébucher alors qu'il portait la plus belle de ses œuvres et, en glissant sur les débris, il s'ouvrit le menton sur son établi. Ceux qui voulaient se servir de lui pour leurs intérêts propres préférèrent regagner leurs pénates en l'ignorant et replongèrent illico les vestiges dans l'oubli. S'ils ne pouvaient en tirer aucune gloire personnelle, s'ils ne pouvaient le commander, pas question de confier quoi que ce soit à cet inconnu. Un jour, les enfants en goguette se heurtèrent à une porte close. L'étranger était parti comme il était venu, sans faire de bruit. Aux portes de la cité, juste avant de s'éloigner pour toujours, il s'était retourné pour s'essuyer les pieds laissant la poussière derrière lui. Le village reprit sa petite vie étriquée sans se préoccuper du sort de l'ange aux mains d'argile et sans réaliser qu'il venait de manquer sa chance de résurrection. L'homme quant à lui marchait déjà loin devant, vers le soleil levant!

 

Les anges voyagent toujours incognito, ils ne crient pas : me voici car ils ne se soucient pas de leur nature. Nous implorons des signes tandis qu'ils sont là si proches de nous qu'ils nous frôlent en vacillant tout surpris de rencontrer sur leur route autant d'aveugles et autant de sourds. Ils viennent dans nos vies sur la pointe des pieds, de façon simple et surprenante à la fois. Ils annoncent une bonne nouvelle, un renouveau et quelquefois un miracle ou encore, sont la réponse infiniment délicate et subtile à une très longue prière. Cependant, nous sommes si préoccupés de nous-mêmes, de nos petites affaires personnelles que nous leur prêtons une attention toute relative. Il arrive même que pleurant depuis des années pour que quelque chose change nous préférions au bout du compte poursuivre notre plainte ou retirer nos vieilles hardes du grenier plutôt que de lâcher prise et d'accueillir la providence. Mais je suis convaincue que quelquefois en ouvrant notre porte, sans le savoir, nous avons reçu chez nous des anges et c'est pourquoi notre cœur est encore si brûlant lorsqu'il se remémore ces instants. Les enfants aiment se pelotonner dans leur lumière. Quand nous leur tournons le dos pour discourir avec d'autres de nos intérêts quotidiens, ils nous inondent de lumière nous aussi.

Leurs ailes ne sont pas accrochées dans leur dos comme on le croit mais elles dansent librement dans leurs yeux. Les anges naissent et meurent, rient, chantent et pleurent et ils ont des mains d'argile comme les nôtres car ils sont nôtres.

 

 

Joëlle Dederix

 

 

 

JUIN 2011

 

 

plume juin 2011

 

ARCHE DE NOE

Près de la fontaine, j’ai rencontré un corbeau
Qui ressemblait à une vieille femme
Paradant sur la place comme un propriétaire devant son château
Griffant au passage une fauvette qui voulait chanter et un barbu qui avait la flemme
Dans mon ancien village il y avait aussi un corbeau
Qui envoyait des lettres anonymes emplies de médisances et de fiel
On avait fini, après maintes disputes, ruptures et scandales, à identifier
Sous le déguisement du corbak, une vieille chouette qui passait sa vie
A lorgner celle des autres et à plonger ses pattes de grenouille dans tous les bénitiers du canton
Tiens, à ce propos,  ici aussi j’ai dérapé l’autre dimanche sur l’une de ces rainettes
Pétrie de bon droit et d’alléluia, les pupilles injectées de sourires
Mais prête à tuer d’un bon coup de langue
Qui se targuerait d’amener au chœur des cathédrales périssant d’ennui
Les rires des enfants,  la légèreté des tourterelles, la beauté princière du tournesol
La spontanéité, l’audace et le chant nouveau d’un gai rossignol.
Dans mon pâturage d’origine,  il y avait une batracienne sympa malgré ses yeux exorbités
Elle servait son bon curé en restant dans son ombre, garnissant l’église de fleurs exquises
Ne quittait jamais son chapelet, marchait en claudicant, légèrement bossue
Ne faisait pas peur aux enfants qui reconnaissaient aisément
Derrière l’enveloppe ingrate la palpitation d’une âme de lumière.
En réalité, je rencontre toutes les espèces depuis que je suis plus attentive
Tenez l’autre soir un caméléon m’a surprise alors que je faisais ma promenade du soir
J’ai failli ne pas le reconnaître tant son déguisement était adapté au mensonge de sa table
Lorsque j’ai vu ce voleur de mon ami j’ai eu peur et très froid dans le dos
D’autant que j’ai cru entrevoir au-dessus de sa tête une araignée avec de petits fils ténus
Qui cherchaient à s’agripper à lui quant un éclair de lucidité ramenait sur ses traits
Cet air familier que j’aime, ce visage que je connais et sur lequel je peux lire.
Je sais, je peux être très vache quand je m’y mets
Que voulez-vous, je piaffe quand je vois des limaçons
Traîner leur vie d’une activité à une autre sans se laisser aller à l’amour
Evidemment ils vont mourir avec une grosse maison
Mais que valent quelques moellons si le temps est sans cesse trop court
Vous n’allez pas me croire mais je vous jure que c’est vrai
J’ai passé une soirée il y a peu en compagnie d’un faux paon
Faisant la roue à qui mieux mieux, ne voyant que lui, fanfaronnant de suffisance
Mais alors sans la moindre élégance.... c’est d’ailleurs là que je l’ai reconnu
Le traître sous ce costume d’apparat n’était autre qu’un absurde dindon...
Allez, je vous branche, tous les animaux ont leur place ici-bas
Le tort c’est de voir un lion se conduire en chèvre
Ou un éléphant imiter le chamois
Car le tort... tue c’est connu et en plus ça me fait mal aux dents
Dans la rue d’en-haut vit un hérisson dont les piquants sont magnifiques
Colorés et toujours lustrés de neuf
Quelquefois on voit remuer dessous le cœur tendre
Mais l’armure si belle n’est pas propice aux rapprochements
Il y a aussi virevoltant de ci de là quelques papillons et certains grillons
Les uns volent d’un service à l’autre, les autres lézardent au soleil
Comme leur nature le quémande mais les hyènes veillent
Ainsi que les perroquets et les fouines
Et il arrive que sous la pression des cruels, les ailés fuient
Car s’ils sont capturés, ils meurent aussitôt ou deviennent fous !
Ah, j’ai failli oublier les autruches si nombreuses pourtant
Elles se retrouvent un peu partout au gré des sables mouvants
Et cancanent comme des oies, tenant d’innombrables conférences
Sur la façon la plus efficace de maintenir sa tête au chaud.
Je viens de lire que pour trouver l’authenticité de notre être
Le meilleur moyen était d’ôter les mensonges
Un par un jusqu’au dernier
Après il reste simplement la claire vérité...
Bon voilà, il ne reste plus qu’à enlever les fourrures, les poils
Pelages, peaux et enveloppes empruntées, les voiles
Les piquants, les plumages, les sons qui ne sont pas les nôtres
Et après nous pourrions nous retrouver pour un petit resto au :
« Lapin tant pis »
Mais quel est le loup, l’âne ou l’aigle royal qui voudra tenir compagnie
A un oiseau farceur ?

P.S. : Pour les intéressés, « le lapin tant pis » existe bel et bien et est ouvert aux déplumés comme aux démasqués de tous horizons qui recherchent des mets authentiques ....

 

 

A NOS PAPAS

Il y a quelques mois déjà alors que je menais mon père d’un bout à l’autre de la campagne pour ses derniers rendez-vous, ses ultimes adieux, il me dit tout en regardant par la fenêtre de la voiture :
« Comme c’est triste de devoir quitter cette nature magnifique »
La réponse qui me vint dans l’immédiat fût : « Mais tu ne la quitteras pas, papa....tu vas y retourner »
Tu es un homme de la terre, mon  père
Alors tu as compris mon élan et ce qu’il voulait t’offrir
Avec toi j’ai parcouru les prés quand j’étais enfant
Dans le fond d’une prairie par une douce après-midi de mon adolescence
Je t’ai aidé à soulager une vache exsangue qui ne parvenait pas à vêler seule
Nous avons retiré le veau à nous deux, mes fines mains à côté des tiennes, musclées et brunes
C’est un de mes plus beaux souvenirs et aussi une grande fierté 
C’est avec toi que j’ai creusé la tombe de mon grand chien sauvage
Que j’ai ramassé les bottes de foin, conduit le tracteur, brossé les chevaux
Quand le vétérinaire arrivait je courais derrière toi pour voir, sentir, participer et célébrer
Un jour aux alentours de mes sept ans, tu as eu un grave accident
Et durant des semaines tu es resté immobilisé à l’autre bout de la Belgique
Avec maman nous sommes venus te voir, c’était le dimanche de la fête des pères
Je me suis juchée sur ton lit et je t’ai chanté que je t’aimais
Des larmes ont mouillé tes yeux et dedans j’ai vu tout l’amour que tu avais pour moi.
Peu avant de mourir, alors que je te bordais, tu as attrapé ma main désormais adulte
Tu y as déposé la tienne devenue toute frêle,  tu m’as regardé longuement et tu as dit :
 « Tu es vraiment une mère pour moi, on a tous besoin d’une mère jusqu’au dernier moment »
Le relais était donné,  la transmission assurée et la tâche accomplie
Aujourd’hui que tu es parti te reposer mais aussi t’amuser sous d’autres cieux (je te connais)
Je te consacre chaque jour des espaces de retrouvailles
Quand l’oiseau pépie, je te vois : tu te balances sur le rocking-chair de la terrasse en lui faisant écho
Quand les feuilles dansent, il m’arrive de te capturer dans un rai de lumière
Quand quelque chose qui ne me plaît pas arrive, je fais comme toi, je me dis : « c’est comme ça »
Merci papa pour l’esprit libre et l’accueil de ce qui est
Et puis surtout, bonne fête papa toi qui du fond de moi veille sans cesse
Pour  que l’amour que tu y as déposé grandisse sans se laisser décourager.

 

 

Joëlle Dederix

 

 

 

MAI 2011

 

 

plume mai 2011

 

REFLETS

Par une douce journée du mois de mai une jeune fille se promenait près de l’eau
Tout était tranquille et dans ce silence subtil son cœur se reposait.
Sur la surface bleue, elle vit quelques nénuphars qui dansaient.
Elle s’approcha, capta leur odeur, se troubla tant ils étaient beaux
Nés d’une flaque boueuse, façonnés grâce à la lumière
Surgis du fond de leur poussière pour resplendir de couleurs claires.
La jeune fille se pencha pour cueillir une fleur
 Qui bientôt parfuma ses cheveux et fit briller ses yeux.
L’eau rougit de plaisir et des volutes de toutes les couleurs
Se répandirent en pétillant sur l’étendue vivante.
La jeune fille se regarda dans ce miroir aux mille reflets
Et se découvrit sous tous ses aspects
Du plus sombre au plus lumineux, du sordide au sublime.
Quand elle eut tout contemplé, tout traversé de ses profondeurs marines
Elle se redressa, consciente de ses racines comme de ses ailes.
Son corps tiré de la glaise du sol chatoya de mille éclats et se mit à danser.
Son cœur qui jusque là était un goéland captif fut enfin libre de s’envoler.

 

 

NOS MAMANS

Il est juste que le plus joli mois de l’année célèbre les mamans
Celles dont la présence est toujours visible à la surface
Mais aussi celles qui rendues invisibles pour les yeux
Se nichent au plus intime de nous, dans les grandes profondeurs.
Les premières cheminent à nos côtés quelquefois jusqu’à la tendresse parcheminée
Tandis que les secondes se sont éclipsées pour que nous grandissions en ténacité.
Les unes nous surveillent du coin de l’œil attentives et patientes
Les autres sont parties en nous donnant leur absolue confiance.

Je le disais il y a longtemps déjà :
Une maman ça n’a pas de prix
Une maman c’est pour la vie
Et j’en ai versé des larmes à toutes ces fêtes des mères
Où seule une tombe pouvait recevoir mes fleurs.
Mais celle qui m’a portée dans son ventre rond
Pour me déposer au rivage dans le cri et la sueur
Poursuit son aventure avec moi autrement
Celui qui navigue sur la mer ne voit pas la magnificence du monde sous-marin
Cependant la vague qui le propulse y trouve sa force et son origine.
Bonne fête maman toi qui, du fond de moi, veille sans cesse pour que mon navire garde le cap !

 

 

Joëlle Dederix

 

 

 

AVRIL 2011

 

 

 

DIEU S’AMUSE

Le voilà ....
La petite fille court sur le sable
Poussée gentiment dans le dos par le vent du large
Mue vers l’avant par le vol des ballons aux couleurs vives
Qu’elle emmène danser sur le rivage
A moins que ce ne soit eux qui l’entraînent dans leur farandole
La lumière  frémit quand Dieu passe si insouciant
Le temps retient sa garde parce que la grâce frétille
Et qu’il veut y goûter !
Dieu et l’enfant trouvent leur joie dans le rouge et le bleu
Face à l’écume et sous la caresse chaude
Sur le grain docile et mouillé
L’un comme l’autre ne calculent pas, ne pensent même pas
Sont simplement là en harmonie avec l’eau, le souffle et l’espace.
Devinez qui les suit à quelques foulées ... ?
Un chien bondissant, assurément !
Puis l’ange qui semble s’amuser avec l’invisible,
On le sent dans l’air qui vagabonde
Tenez, il s’ébroue dans les embruns en même temps que le chien
Dont il frôle les frisettes humides
Tandis que Dieu s’amuse à folâtrer dans les cheveux dorés.
Quels joyeux lurons que cette fillette, son chien, son ange et son Dieu !

 

 

AU PIED DE LA COLLINE

Le chemin monte vers Pâques
Le dernier raidillon sera raide
La pierre écorchant les pieds
Les épines lacérant le visage
La chute avant le sommet
Puis après l’ultime ascension
Un nouvel horizon
Grandiose, inouï,
Embrasant le monde
Mais d’abord pour reprendre vigueur
Une heure de gloire, une coulée de soleil
Les chants de joie sur les rameaux
Et la nature elle-même le proclame
Dans son jaillissement de verdure
Ses fontaines bondissantes et riantes

La semaine s’ouvre sur Pâques
Comme une source d’eau claire
Qui se donne pour nous désaltérer
La lumière trouve un passage
Reste aux aguets
Pour féconder nos limons
Eclairer nos questions
Ouvrons la porte, osons dire oui
Avant que le rideau ne tombe
Gonflons les berceaux de notre cœur
Comme une brassée de lilas sous le ciel
Fleurissons en sortant de nos tombeaux
Dès aujourd’hui prenons la caravane
Veillons à emmener une délicate nourriture
De regards tendres et de paroles amples

Nous voici au pied de la colline
L’humanité entière s’y profile
Et si là-haut une croix se dessine
C’est pour qu’en marchant on devine
De l’est à l’ouest des mains qui se tendent
Et du nord au sud des hommes qui se dressent

 

 

Joëlle Dederix

 

 

 

MARS 2011

 

Peinture offerte par Sara


 

UN PRINTEMPS PAS COMME LES AUTRES

L’autre jour j’ai rencontré une petite fleur. Elle se balançait jaune et légère sur un monticule d’herbe en plein milieu du sentier.

A peine un peu plus loin, à un jet de pierre, il y en avait d’autres comme elle mais courbées, la face contre terre.  J’ai cru qu’elles étaient arrachées en voyant leur tige toute ramollie et leur tendre corps endormi. En réalité, un tracteur en passant d’une vigne à l’autre les avaient aplaties sous ses roues. Sans un cri, elles gisaient maintenant de la plus amoureuse façon, leurs corolles alanguies tapissant le sol. Nos pieds émus les évitaient et dans ce geste nos yeux penchés vers elle, capturaient leur robe lumineuse. Loin de s’avouer vaincues, je les sentais toujours reliées à la vie.

J’hésitais à cueillir la petite fleur fière. C’est alors que dans la fulgurance d’un instant, ma pensée traversa les écrans humides des collines encore tièdes de rosée. Je me retrouvai projetée dans l’univers, juste à côté des terres englouties par le tsunami avec sur le crâne la barre violente de la menace nucléaire.

Je réalisai dans un frisson géant que cette merveille qui a pour nom la Vie et pour manifestations des bordées de fleurs, des millions d’espèces animales et végétales pouvait être anéantie par l’homme lui-même. Cet air qu’on respire permet la pulsation, nourrit le souffle qui n’oublie aucune de nos cellules. Le nuage radioactif va parcourir le monde en ce doux printemps libérant insidieusement ses particules toxiques. Et, bien que nous soyons à longue distance du lieu dramatique, nos corps eux l’enregistreront car, nous ne sommes pas séparés du monde et des autres. Nous formons un TOUT. Ce qui arrive à un peuple nous touche simplement parce que nous sommes de la même humanité.

Le temps est venu de s’indigner. Finies les tergiversations, prenons position.

La mélodie de : « Que c’est beau la vie » trotte toujours dans nos têtes. Certes la vie est magnifique, savoureuse quand on respecte sa diversité et quand on s’incline devant chaque brindille conscient de la grandeur qui nous est confiée. L’homme se comporte comme s’il était le maître de la nature alors qu’il en est issu et qu’à ce titre il serait dans l’ordre des choses qu’il en soit un serviteur tremblant de gratitude.

Que fait-on ici-bas ? Sommes-nous là pour construire la plus grande maison possible, pour avoir trois comptes en banque tandis que d’autres crèvent la misère ?  La laideur c’est d’oublier notre origine, c’est saccager la planète, c’est faire l’autruche, se croire immortels et se dire : « après nous les mouches ».

Après nous il y aura bien plus important que les mouches, il y aura tous les enfants du monde. Avec notre intelligence, est-il pensable que nous permettions voire engendrions notre propre anéantissement ? Est-il concevable d’ignorer les solutions seules porteuses et susceptibles de nous sortir de la torpeur voire de l’horreur ?

L’énergie verte, le partage et la paix cognent  à la porte de nos cœurs. Il faut ouvrir d’urgence sous peine d’être engloutis par un gigantesque raz-de-marée, celui de la démesure, celui d’un orgueil refusant de voir les choses en face, ce qui est là juste devant et qui nous pend au nez.

La plupart des hommes malgré leur emploi du temps surchargé, leurs innombrables activités et agitations passent dans la vie en fonctionnant exactement comme des machines. Acceptons-nous d’être un automate dans la foule des endormis ? Si la réponse est non, levons-nous et tout de suite car la menace est palpable, tangible, réelle.

Non je n’ai pas cueilli l’ardente petite fleur jaune. J’ai seulement caressé ses pétales et c’est comme si leur fraîcheur m’avait traversée.
J’avais les larmes aux yeux en redescendant de la colline. Les oiseaux fredonnaient et lançaient des trilles dans toutes les branches. L’air frémissait doucement déjà amoureux de la beauté qu’il s’amusait à frôler et à enrubanner.

C’est mon quarante-neuvième printemps.

Puissions-nous en vivre d’autres ensemble et,  libres de respirer!

 

 

Joëlle Dederix

 

 

 

FEVRIER 2011

 

 

FRAGILE

 

 

 

 

Quand j’étais petite fille je me disais
Que la terre n’était peut-être pas ronde
Qu’il ne pouvait y avoir de fin à ce monde
Quand j’étais petite fille je croyais
Aux légendes, au prince charmant
Je détenais un pourvoir magique
Je vivrais mille ans
D’aventures fantastiques
Sans soucis ni tourments
Et quelquefois j’imagine
Que pour de fragiles instants
Je redeviens petite fille
Avec ma candeur d’enfant
C’est une image furtive,
Silhouette gracile
Qui n’a pas peur de vieillir,
Qui ne rêve que de grandir
Quand j’étais petite fille je me disais
Que j’irais parcourir le monde
Mais un jour l’orage a terni mon horizon
Ainsi moi petite fille j’ai grandi
En balayant mes illusions
Les coups de tonnerre
M’ont déclaré la guerre
Alors j’ai prit les armes
Sans verser une larme
Masi quelquefois j’imagine
Que pour de fragiles instants
Je redeviens petite fille
Avec ma candeur d’enfant
C’est une image furtive
Silhouette  gracile
Qui n’a pas peur de vieillir
Qui ne rêve que de grandir

 

 

Joëlle Dederix

 

 

 

JANVIER 2011

 

 

 

HISTOIRE DE NICHE

L’autre jour quelqu’un m’a dit : 
« Je ne suis pas un saint dans une niche »
J’ai trouvé l’expression savoureuse et éloquente !
Une niche c’est pour tenir ses chiens...
S’il est sans doute permis de croire que les saints maîtrisent leurs passions,
Ils sont bien loin d’être attachés ou de porter quelconque collier.
Nul ne peut les dresser ni les discipliner et en aucun cas les formater.
Alors, pourquoi mettre leur statue dans une niche de pierre
Comme pour nous donner une image pieuse d’un être désincarné, soumis et fade ?
Jean Bosco dormait juste quelques maigres heures par nuit.
Puis, du matin au soir, courait les rues et les quartiers,
Trempant sa sueur dans la pauvreté et bâtissant des projets fous aux yeux des hommes.
Mais, il y parvenait le bougre et restait enraciné dans une inébranlable confiance !
François d’Assise usait ses semelles sur les routes et, ses mains étaient elles aussi celles du bâtisseur !
S’il parlait aux oiseaux et voyait un amandier fleurir en plein hiver,
C’est simplement qu’il était déjà établi dans l’éternité.
Et, cet homme portait dans les yeux une joie profonde en toutes circonstances,
Appelant la mort sa sœur au même titre que la lune ou que son frère, le soleil.
Thérèse de Lisieux enfermée à seize ans au fond d’un couvent de carmélites
Ramassait la plus petite épingle tombée par terre avec un grand amour.
Elle portait sans doute une robe grossière et obéissait à sa mère supérieure.
Pourtant, je suis convaincue qu’elle était parfaitement libre...
Et voilà c’est dit, les êtres libres ne campent pas dans des niches...
Et n’aboient pas devant  la maison du Maître
Tandis que nous, si !
Simplement parce que nous sommes enchaînés.
A la peur, celle de vivre comme celle de mourir !
Alors nous revendiquons, nous nous agitons,
Nous nous accrochons à l’attente, à l’éphémère, aux émotions.
On pense souvent que le saint est un fou,
Doux niais qui parle aux fleurs et accepte même les coups,
Un pauvre bougre qui ne boit pas, ne jouit pas, un être androgyne sans sexe.
Mais la vérité c’est que si le fou a perdu  le contrôle de son égo,
Le sage lui l’a apprivoisé puis domestiqué puis démasqué puis usé,
Otant un par un les voiles de l’illusion jusqu’à la nudité.
Le fou s’est perdu, le sage s’est trouvé et pardonnez si je vous vexe :
Le sage fait l’amour en permanence tant il est Un avec Tout
Dans l’unité consciente et consentante avec ce qui est.
On se demande souvent ce que le sage a en plus que nous.
Le sage n’a rien de plus, il a tout en moins,
Il s’est délesté de l’inutile.
De la même façon que nous sommes déjà nus sous nos vêtements,
Le sage a enlevé les couches, les vieux manteaux.
Ainsi, il respire librement en homme nouveau, né une seconde fois.
Il témoigne que le statut d’esclave est en-dessous de notre dignité.
Si au fond de sa cellule saint Jean Chrysostome
A écrit ses plus beaux poèmes,
C’est parce que, même les barreaux ne pouvaient rien contre lui !
Car l’homme libre est déjà éternel,
Ici et maintenant, où qu’il soit et quoi qu’on lui fasse !
Et il n’y a pas de niche qui tienne !

 

 

Joëlle Dederix