Plume libre Juin 2010

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DEBOUT LES P’TITS GARS !

Il y a quelques jours
Un jeune garçon de 22 ans me disait :  
Je suis fatigué 
Métro-boulot-dodo
J’ai posé le doigt dans l’engrenage
Jusqu’à ma mort je serai fiché
Inscrit voire figé dans le même scénario
Un homme sans grande histoire dans une vie sans âge
J’ai eu envie de le secouer, j’ai presque crié
Ose faire autre chose, pars avec ton sac à dos
Sans assurance tous risques, sans gros bagages
N’attends pas d’être tout ridé
Pour t’en aller par monts et par vaux
Et choisir ton propre voyage

Allez jeunes gens, sortez des sentiers battus
Mettez des chemises et des robes flamboyantes
Mais surtout gardez vos pieds nus
Pour bondir sur l’herbe telle une eau chatoyante
Ne vous laissez pas cadenasser
Dans les discours pomponnés
Dans les travaux forcés
Relevez des défis, les vôtres et pas ceux des autres
Qui voudraient vous maintenir captifs
Ne soyez sûrs de rien mais ouvert à tout
Croyez au possible à créer
Plutôt qu’à l’impossible qui vous emprisonne dans la peur
Fiez-vous à vos élans de cœur
Les seuls qui vaillent la peine et la sueur
Je sais qu’autour de vous
Se bousculent beaucoup de clones et de robots
Sans doute connaissez-vous peu de héros
Mais cherchez l’inespéré, il se laisse trouver
Lisez la vie d’hommes simplement remarquables
Suivez les traces qui sommeillent au creux de vos paupières
Il n’y a pas qu’un chemin, il y en a des milliers
Quand la passion vous anime ce qui vous appelle c’est le miracle
Même dans le vent et la poussière, même dans la fibre des pierres
Reste intacte la mouvance
Demeure libre l’espérance
Allez jeunes gens
N’allez pas me dire que vous ne croyez plus en rien
Lorsque vous voyez le clair de lune, les étoiles
Le vert des arbres et  surtout l’eau de vos yeux
Il est temps, aujourd’hui, maintenant
De vous mettre en chemin
De hisser vos grandes voiles
Avant d’être devenus vieux
Bien sûr que vous allez vous tromper,
Peut-être même faire naufrage
Ou tomber de haut
Et alors est-ce une raison pour ne pas bouger
Oublier vos espoirs
Sombrer dans le faux ?
Allez ouste, debout les gars ! Il faut s’éveiller, se réveiller
Secouer vos puces, jeter les vieux manteaux aux orties
Sortez de vos couettes et de vos souliers
Ouvrez la porte et croquez, accueillez, fécondez votre inestimable Vie !

 

 

 

Joëlle Dederix

UN GRAND HOMME

Je l’ai rencontré sur la place des grands hommes
Ses jambes étaient fatiguées alors il s’est assis sur un banc
Il ne disait mot mais ses yeux reflétaient l’espace
Ensemble nous avons regardé le vieux clocher
Les moineaux qui passaient par là pour une courte halte
Et les passants semblables mais si différents

Entre nous se balançaient les vents du silence
Se languissaient les vagues des questions qui resteront sans réponse
Simplement parce qu’elles sont vaines

Au-dessus de nos têtes vinrent planer quelques oiseaux de proie
Qui repartirent aussitôt comprenant qu’il n’y avait là aucun pain pour eux
Trois hirondelles tinrent devant nos pieds croisés un brin de conversation
Telles des anges enjoués, riant de leurs ridicules bêtises

Le soir tombait déjà quand arrivèrent deux tourterelles
Frissonnant d’émoi et battant des ailes à hauteur de nos bras
Le vieil homme tourna son visage de petit garçon vers moi
Pour m’offrir son plus beau salut sur le ciel orangé
Ses chevaux frémissants s’agenouillèrent devant lui
Pour le ravir et l’emmener vers l’impalpable
Je sentis ma poitrine s’ouvrir toute entière et s’embraser
Dans cette vacuité et cette chaleur mon cœur prit ses aises

Désormais sa palpitation résonne telle une voix dans une église
Et,  je n’entends plus qu’elle !

 

 

Joëlle Dederix