Plume libre Juillet 2010

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UNE MAMAN

Une maman c'est pour la vie ;
quand on croit qu'elle est partie c'est qu'en réalité elle s'est faite toute petite,
minuscule, invisible pour pouvoir nous accompagner partout,
graviter à l'intérieur de nos cœurs,
palpiter à chacun de nos mouvements et à chacune de nos respirations.

 

 

 

Joëlle Dederix

L'ENFANT INTERIEUR

Peu après ma naissance, je fus coupée en deux
Une partie de moi happée par des forces tapies
M’obligèrent à suivre une galerie parfaite de rectitude
Avec de chaque côté des remparts infranchissables
Des pans entiers de bienséance et de jugement dernier
L’autre partie, celle qui avait échappé à la serpe
Ma racine secrète,
Cherchait depuis ce temps
A découvrir d’autres terres
Cette futée grandissait pour les regards des passants
Pas très loin de l’autre et, là-haut,
Des feuillages apparemment semblables s’entrelaçaient
Cependant, dans la nuit, ma vagabonde parcourait les collines
S’abreuvait aux torrents des montagnes
S’alanguissaient de ci, de là, au flanc de quelque coteau
Vint un jour un bucheron chargé d’élaguer la forêt
Dans laquelle je me mêlais aux autres
Pour ne pas trop me faire remarquer
En quelques coups de hache
Il fît de ma construction deux souches
Sur lesquelles les promeneurs purent s’asseoir
La partie domestiquée faisait un mal de chien
Au derrière de ceux qui s’y posaient
Tandis que l’autre, rebelle,
N’avait de cesse de se couvrir
D’une mousse résurgente de toutes ses échappées secrètes
Ainsi, les petites fesses des passants se sentaient-elles
Accueillies de ce côté quelles qu’elles fussent
Tandis que moi, je poursuivais inlassablement
Mon chemin tortueux, compliqué et ardent
De racine LIBRE

 

 

 

Joëlle Dederix

LE PAUVRE FRANCOIS

Par ce soir bleu d’été
Je m’en vais sur le sentier
Timidement mouillé
De mes souvenirs et de mes regrets
J’entends l’eau du ruisseau
Qui coule derrière moi
Et la cloche d’une église
Qui se mêle à un rire lointain
Les oiseaux pépient doucement
Et moi je ne vois que les yeux de François
François, c’est le pauvre d’Assise
Mais je ne parle pas de lui
J’ai dans l’orbe de mon cœur
Un autre François aussi pauvre, aussi riant
De grands yeux d’enfant émerveillé
Dans son visage de vieillard dépouillé
Je viens d’entendre une promeneuse
Me raconter sa mort douloureuse
Son esprit égaré
Son corps broyé
Etrangement pourtant
Il est là si près de moi
Dans les plis de l’herbe à mes pieds
Il se faufile, il me frôle, il se cache
Puis reparaît soudain
Fugace dans cette brise câline
Qui m’enlace et m’acoquine
Il aimait les oiseaux
Ne voyait parfois qu’eux
Quand il évoquait Dieu
Sa voix n’était pas comme les autres
Forte et grave, elle enveloppait la terre
Tiens, je l’entends tout près
Dans ces mots qui crissent sur le chemin parfumé
Tendre François
Reste encore un peu là
Dans mes pas
Par ce soir bleu d’été

                                                                                                                     

 

 

 

Joëlle Dederix

HISTOIRE D'HERBE

Pourquoi penser que l’herbe est plus verte ailleurs ?
Question d’à propos pour moi qui croit toujours être une romantique égarée, parachutée par erreur dans un siècle industriel et individualiste...
Question d’actualité pour moi qui ai des fourmis dans la tête plus encore que dans les jambes et qui rêve à longueur d’années de rejoindre les champs de lavande...
Je sais bien que l’herbe n’est pas plus ni moins verte ailleurs et que ses bagages, on les emporte partout avec soi.
Simplement, si l’herbe est la même ailleurs, elle est peut-être fréquentée par d’autres humains et d’autres bestioles, elle permet de découvrir d’autres matins et d’autres caracoles.
Faut-il toujours rester dans le même paysage quand on se sent du monde ?
Oui, je suis née sur le plateau de Herve dans ce beau village de Clermont et, où que j’aille désormais, j’emporte tout avec moi ; et les racines, et les semailles, et les vaches et le sourire de mon père.
L’herbe n’est pas plus verte ailleurs mais j’ai fini de manger celle de mon pâturage. En attendant le regain, comme la bergère, je veux partir en transhumance pour un nouveau voyage. L’herbe de mon pré intérieur est fauchée et engrangée dans le fenil de mon enfance, dans la lumière de ma maison et dans l’infini de mon sillage.
L’herbe de ma prairie intérieure est toute prête à reverdir sous d’autres cieux, dans d’autres yeux.
Peu importe où me conduisent mes pas si la verdeur de l’Amour me guide et me tarde !

 

 

Joëlle Dederix